Les contacts internationaux

Jusqu’à présent, nous avons beaucoup insisté sur les rapports internes au laboratoire. Néanmoins, le groupe de Vogel ne se développe pas uniquement en interne : pendant les années 1960, le groupe n’a rien d’un groupe restreint et confiné à Marseille. Il bénéficie d’une certaine aura internationale, alors que, sur le plan national, il est vrai que les contacts sont plutôt limités.

Quelques rapports sont entretenus avec Besançon : Raymond Chaléat a succédé à Jules Haag, duquel il perpétue les méthodes, mais la perspective des méthodes topologiques n’est pas très développée. Luc Gauthier, vice-doyen de la faculté de Paris, est l’autre scientifique qui s’intéresse à l’activité du laboratoire, sans apparemment avoir développé lui-même beaucoup de travaux sur le sujet 1364 . En réalité, le CRSIM-CRP est un des rares laboratoires en France qui concentre de bonnes compétences en mathématiques, physique et ingénierie, nécessaires pour développer la question des oscillations non linéaires. Ce problème de sous-développement s’inscrit dans le contexte particulier du CNRS des années 1960, dont nous détaillerons l’évolution au chapitre 11.

Cela se retrouve sur le plan international où les travaux de Vogel, puis de Sideriades sont très largement reconnus 1365 . Le groupe de Vogel est marginal en France, mais bien connu dans la communauté internationale de la "Mécanique non linéaire". Il est représenté dans les grandes conférences de l’IUTAM, dont la première a été celle de Porquerolles. En 1961, à Kiev, à la "Conférence Internationale sur les Oscillations Non linéaires", Vogel et Sideriades exposent leurs résultats. Une conférence internationale du CNRS est organisée au CRP (Centre de Recherches en Physique, nouveau nom du CRSIM après 1962) en septembre 1964, par Vogel et Sideriades sur le thème : "Les vibrations forcées dans les systèmes non linéaires".

Le réseau scientifique dans lequel s’insère le laboratoire peut se lire dans cette conférence. Il y a tout d’abord l’école de Kiev, lancée par Kryloff et Bogoliuboff. Dans les années 1960, Bogoliuboff et Yuri Mitropolsky en sont les leaders. Vogel, d’origine ukrainienne, est un ami de Mitropolsky 1366 . Plusieurs universitaires américains sont présents et sont des participants réguliers : Antosiewicz, Crandall (élève de J.P. Den Hartog), Rosenberg, Lamberto Cesari (groupe de Lefschetz). Il faut ajouter les italiens Sansone et Conti, les belges Janssens et Forbat 1367 , et le japonais Chihiro Hayashi. Ceci explique également que ce colloque ait été un tremplin pour les jeunes chercheurs du centre, entre autres Jean, Juricic, Jullien et Bouc.

En 1969, lors de la 5ème conférence sur les oscillations non linéaires à Kiev, Vogel a acquis le statut de référent en la matière. Le comité scientifique international choisi est composé de : N. Bogoliuboff (président), Y. Mitropolsky (vice-président), Th. Vogel, C. Djadkov (URSS), S. Ziemba (Pologne), M. Cartwright et J. LaSalle. Vogel est chargé d’une conférence plénière 1368 .

Pour résumer cette situation, le mot de Néel nous paraît très pertinent : Vogel était un "excellent mathématicien" mais "ni normalien, ni polytechnicien, il était, comme beaucoup de provinciaux, plus apprécié à l’étranger qu’en France" 1369 . Le développement du laboratoire se fait en harmonie avec l’international. Il nous reste à dévoiler celui qui a été le contact le plus régulier de Vogel : Nicolas Minorsky.

Notes
1364.

Nous l’avons remarqué pour son intervention au colloque de Porquerolles de 1951 (cf. note 1329, p. 550). Il est un spécialiste d’analyse numérique (voir [MOUNIER-KUHN, P.E., 1987], p. 17 et p. 43). En outre, il collabore avec Minorsky (Lettre de Minorsky à Vogel, 16 mai 1962. Archives personnelles de Vogel, 46 ii 57).

1365.

Les travaux de Sideriades sont apparement encensés en URSS, en Belgique (Lettre de Janssens à Vogel, du 2 janvier 1960. Archives personnelles de Vogel, 46 ii 59). Vogel est régulièrement invité à donner des cours, des exposés en Belgique où il est très apprécié. De même il connaît bien Mitropolsky et l’école de Kiev.

1366.

Correspondance avec Mitropolsky (Archives personnelles de Vogel). Mitropolsky semble maîtriser le français.

1367.

Janssens et Vogel sont très proches (Archives personnelles de Vogel, 46 ii 58 et surtout 46 ii 59). Vogel a fait des conférences en 1961 à l’Université Libre de Bruxelles (Archives personnelles de Vogel, 46 ii 59).

1368.

"On evolutionnary systems with nonlinear heritage", [ICNO, 1969], p. 10.

1369.

Dans l’autobiographie de Louis Néel (1904-2000), [NEEL, L., 1991].