b. Vers les "oscillations aléatoires"

Ces éléments sont utilisés dans l’étude des oscillations. Un dispositif est construit permettant de simuler directement les applications de premier retour sur l’ordinateur analogique 1391 et les systèmes dynamiques discrets sont maintenant au centre des études expérimentales. Grâce à ces connaissances expérimentales et mathématiques, les phénomènes oscillants, mal décrits, sont analysés et réinterprétés. A la conférence internationale sur les oscillations non linéaires de 1967, Ueda et Hayashi (avec leur collègue Kawakami) présentent une étude des orbites périodiques de l’équation de Duffing, grâce aux nouvelles méthodes 1392 . En 1969 à la conférence organisée à Kiev, ils les détaillent dans "Periodic solutions of Duffing’s equation with reference to doubly asymptotic solutions" 1393 , les solutions homoclines sont simulées, analysées avec les concepts donnés par Levinson, mais aussi du récent article de Smale, de 1967.

Ueda continue en solitaire l’analyse des phénomènes qu’il a observés. Il leur donne plusieurs noms : ils sont tout d’abord appelés "oscillations de battements", puis "oscillations presque-périodiques", et vers la fin de 1970 ils deviennent les "oscillations aléatoires" ou les "phénomènes aléatoirement transitionnels" 1394 . Ueda assume d’abord seul son analyse, qu’il soumet au groupe de mathématiciens du professeur Minoru Urabe 1395 ; Urabe lui fera ultérieurement des commentaires assez négatifs 1396 .

Le caractère expérimental dérange les mathématiciens et la conceptualisation qu’il propose gêne les électriciens 1397 , y compris Hayashi, qui d’après Ueda, reste convaincu qu’il s’agit d’un phénomène dû aux erreurs de calcul. La publication de ses réflexions est d’abord refusée, la version publiée est agrémentée d’une annexe pour les rudiments mathématiques, mais surtout elle est présentée comme une discussion sur le rapport de la simulation d’une équation différentielle aux résultats mathématiques. Au fond, tout le problème est de justifier que les résultats observés, simulés électroniquement, ont un sens : il a des difficultés à faire accepter l’idée d’une solution stationnaire non périodique. L’autre aspect du phénomène est que l’instabilité est la règle. Comment gérer et expliquer l’analyse expérimentale dans ce cas ? Ueda propose une solution reposant sur les mathématiques des systèmes dynamiques, lui donnant les concepts pour expliquer les simulations, alors que la majorité des scientifiques opte pour des erreurs numériques.

Notes
1391.

L’"automatic mapping device" est conçu par le professeur Abe, celui qui avait déjà construit l’ordinateur analogique.

1392.

"Solution of Duffing’s equation using mapping concepts", [HAYASHI, C., UEDA, Y., KAWAKAMI, H., 1967].

1393.

[HAYASHI, C., UEDA, Y., KAWAKAMI, H., 1969].

1394.

"Almost-periodic oscillations", correspond à la terminologie de 1969, dans l’article signé avec Hayashi, [HAYASHI, C., UEDA, Y., AKAMATSU, N., ITAKURA, H., 1970]. La traduction française du dernier terme rend difficilement l’idée de Ueda : "randomly transitional phenomena", voir [UEDA, Y., 1992], p. 111. L’article en question a été écrit indépendamment de Hayashi.

1395.

En décembre 1970, Ueda participe au séminaire "Ordinary differential equations and nonlinear dynamics", à l’Institut de Mathématiques de l’université de Kyoto, dirigé par Urabe. [UEDA, Y., 1992], p. 206.

1396.

Ueda rapporte les commentaires (traduits en anglais par lui-même) : "What you saw was simply the essence of quasi-periodic oscillations [...] You are too young to make conceptual observations". Ibid, p. 206.

1397.

Un peu ironique, Ueda fait part, de manière approximative, des critiques de ses collègues : "Your results are of no importance because you have not examined the effects of simulation and/or calculation errors at all" ou "Your paper is of little importance because it is merely an experimental result" ou encore "Your result is no more than an almost periodic oscillation. Don’t form a selfish concept of steady states". [UEDA, Y., 1992], p. 130.