D’autres analogies

Plusieurs autres analogies concernant l’étude des fibres nerveuses ont conduit à l’étude des oscillations chimiques, en parallèle à cet intérêt pour la catalyse chimique et les réactions abstraites. Vers 1900, W. Ostwald, et ses étudiants avaient déjà perçu l’analogie entre la propagation de l’influx nerveux et la propagation d’une région oxydée le long d’un fil de chrome (ou de fer) plongée dans l’acide sulfurique 1525 .

Le physiologiste Ralph Lillie est le premier à reprendre le parallèle pour étudier les réactions plus en détails et en tirer diverses analogies avec l’excitabilité des nerfs 1526 . Parmi ces comportements il en est un périodique. On notera que Lillie compare volontiers le régime périodique d’émission d’ondes avec les systèmes vivants, comme le battement périodique du cœur.

De manière plus systématique, l’allemand Karl Friedrich Bonhoeffer (1868-1948) reprend cette analogie. Bonhoeffer était tout à la fois psychiatre, neurologue et chimiste, ce qui explique son intérêt pour la question. Différents métaux, dans divers acides ont été testés et évalués du point de vue de la production de signal périodique. De 1941 à 1948 il établit même des mécanismes de ces réactions chimiques oscillantes 1527 .

Avec Bonhoeffer plusieurs des tendances évoquées se concentrent. Il faut remarquer tout d’abord qu’il s’appuie sur les travaux de Lotka pour affirmer l’importance de l’étape autocatalytique dans l’obtention des oscillations. Il critique également les affirmations de Bray à propos de son autocatalyse homogène, car elles ne lui paraissent pas suffisamment justifiées. Par ailleurs, Bonhoeffer fait valoir que les aspects homogènes ou hétérogènes ne font que peu de différences : les oscillations sont possibles dans les deux cas.

Bonhoeffer adhère également aux idées de Van der Pol et Lillie selon lesquelles les oscillations de relaxation décrivent des oscillations comme celles du cœur. Leurs affinités se retrouvent également dans les modèles électro-biologiques que Bonhoeffer construit, suivi en cela par un des ses étudiants, Ulrich Franck 1528 . Enfin, ajoutons que Rössler s’inscrit dans cette perspective lorsqu’il reprend les oscillateurs de Bonhoeffer par sa démarche analogique combinant électricité et biochimie. Les travaux de Bonhoeffer sont donc un aboutissement des recherches à la frontière de la biologie et de la chimie, et un tremplin pour une série nouvelle de conceptions sur les oscillations.

En définitive, à travers ces éléments un peu dispersés il est possible de saisir une certaine contemporanéité, et une certaine cohérence, avec la pratique des oscillations de relaxation. Analogies et tentatives de modélisation mathématique sous forme d’équations différentielles jouent un rôle parallèle dans ces questions et conduisent à un début d’acceptation des oscillations chimiques homogènes, longtemps boudées. Cependant, l’obstacle fondamental, celui de la thermodynamique, n’est pas encore levé. Ce n’est qu’au croisement du développement de la réaction de Belousov-Zhabotinsky et des nouvelles théories thermodynamiques que l’évolution va se faire.

Notes
1525.

Les étudiants en question sont Eberhard Brauer et Henry Heathcote. Pour tous les détails sur cet épisode, voir [PACAULT, A., PERRAUD, J.J., 1997], p. 38-39.

1526.

Les différentes analogies sont produites dans les articles : [LILLIE, R.S., 1920], [LILLIE, R.S., 1925] et [LILLIE, R.S., 1936].

1527.

Pour tout ce qui concerne Bonhoeffer, nous nous en remettons au travail plus étendu de Pacault et Perraud  ([PACAULT, A., PERRAUD, J.J., 1997], p. 39-41) ainsi qu’à la biographie de Bonhoeffer : [NEUMARKER, K.J., 1990].

1528.

Nous renvoyons à [PACAULT, A., PERRAUD, J.J., 1997], p. 40-41.