Des grandes tendances

Quelques grandes tendances marquent le rapport de conjoncture. Tout d’abord, les frontières disciplinaires et de la dichotomie pur / appliqué se troublent. D’une certaine manière, la section 1 illustre la tendance générale. La classification du Comité National est stigmatisée. Il est, par exemple, difficile d’établir des frontières entre électronique, physique du solide, physique atomique, mais également entre physique théorique et applications. Les correspondances avec la réalité de la recherche sont remises en question.

En outre, la simulation numérique trouve une vraie place en physique. Ainsi, aux côtés des recherches de fondations rigoureuses, de développements formels, les auteurs de la section 2, très enthousiastes, insistent sur la Mécanique statistique.

‘"L’avènement des grands ordinateurs a ouvert pour la Mécanique Statistique, un domaine nouveau : on peut maintenant étudier numériquement, sans qu’on ait à faire d’approximations, les propriétés de systèmes denses de plusieurs milliers de particules. Ces calculs constituent de véritables ‘expériences’ souvent instructives. La venue à la Mécanique statistique d’un certain nombre d’hommes formés en mathématiques ou en théorie des champs est un phénomène heureux, qui pourrait s’amplifier, et tendre à dissiper le très néfaste et très répandu préjugé selon lequel il n’y aurait de physique théorique noble que dans le domaine des particules fondamentales. Ce regain d’intérêt pour la Mécanique statistique a déjà porté ses fruits, et l’on peut prévoir que la tendance physique mathématique continuera à mener à des résultats importants dans les années à venir. Le développement des calculs sur ordinateurs peut être considérable […] Les bornes de ce secteur d’études [les systèmes de longues molécules et applications en biologie] seront essentiellement fixées par les possibilités techniques des grandes calculatrices, pour lesquelles on peut prévoir des améliorations considérables, et aussi naturellement par les possibilités financières des laboratoires intéressés [...]" 1675

Pour la commission de Mécanique, le facteur le plus évident d’évolution de la discipline est l’ordinateur, sans négliger les mathématiques :

‘"[…] l’utilisation systématique des progrès mathématiques et des moyens de calcul se généralise […] Le développement de l’analyse numérique et fonctionnelle rend au discontinu la primauté que lui avait ravie le progrès du calcul infinitésimal ; pour de nombreuses questions, la discrétisation fournit des solutions naturelles et directement utilisables. Par ailleurs, grâce à la puissance des calculatrices, aussi bien qu’au progrès des méthodes d’enregistrement simultané de données expérimentales nombreuses, on peut envisager de résoudre effectivement des problèmes à très grand nombre de paramètres ; le traitement des informations permet, par une analyse exhaustive, de vérifier si le phénomène réel est correctement représenté par telle ou telle théorie." 1676

Ces deux longues citations permettent de saisir que l’ordinateur est en train de transformer la science. Il n’est pas qu’un simple calculateur : en Mécanique statistique, il est envisagé comme instrument pour faire des expériences sur des modèles mathématiques. L’ordinateur permet de se confronter à des phénomènes plus "complexes", plus proches de la réalité. C’est la troisième tendance très générale observée dans le rapport de 1969. Ainsi, en physique théorique :

‘"Il serait souhaitable, et possible, de maintenir une répartition équilibrée des chercheurs entre les différentes grandes tendances, de poursuivre des travaux de mathématiques quasi-pures et aussi des calculs sur ordinateurs, d’étudier des modèles simples d’intérêt théorique et aussi les systèmes plus complexes qui se présentent dans la nature" 1677 .’

Les instruments sont très perfectionnés 1678 , le traitement du signal est bien développé. Les moyens informatiques interviennent à tous ces niveaux et assurent cette recherche sur les phénomènes complexes. Le rapport aux applications n’est pas négligeable dans cette prise en compte. Le développement de nouveaux domaines de la physique des solides émergent dans cette perspective :

‘"- les structures amorphes : les verres, les liquides dont les implications technologiques sont évidentes ;’ ‘- les macromolécules – les agrégats (cristaux liquides et savons) – les cristaux moléculaires ; ce domaine pourrait être une ouverture vers la biophysique." 1679
Notes
1675.

Rapport de conjoncture du CNRS 1969, section 2, p. 19 (nous mettons en évidence).

1676.

Ibid., p. 12-13.

1677.

Rapport de conjoncture du CNRS 1969, section 2, p. 19 (nous mettons en évidence).

1678.

Les sections de Physique des solides (section 8) et d’Optique et physique moléculaire (section 7) consacrent une grande partie de leur rapport à ces questions. L’instrument, l’équipement mi-lourd, les microscopes électroniques, les systèmes cryogéniques et le projet de réacteur à haut flux franco-allemand (le futur Institut Laüe-Langevin) sont en discussion.

1679.

Ibid., p. 12