Vogel et la fin du Centre de Recherches en Physique

Pour comprendre la difficile transition il faut préciser les idées de Vogel relatives à la recherche scientifique et à son organisation. Avec lui, l’ancien laboratoire de Canac, très tourné vers les applications (militaires surtout), a intégré une recherche théorique non nécessairement orientée : Vogel offre des libertés aux scientifiques dans leurs sujets de recherche 1687 . Dès sa prise de fonction de directeur en 1958, la question de la part des recherches fondamentales et appliquées dans l’activité du laboratoire avait été posée. Vogel considère que le laboratoire doit se limiter à un éventuel prototype, si une industrialisation est envisagée 1688 . Ses idées restent bien articulées par la dichotomie fondamental / appliqué, et ainsi il y a les équipes de recherche et les équipes de service et d’essais 1689 . Son opposition aux idées de type SPI se laisse deviner. La "dynamique théorique" s’est épanouie dans ce cadre mais en dernier ressort, cette activité de mathématiques développée grâce à Vogel aura un impact très favorable dans l’issue du processus.

Les discussions relatives aux SPI s’engagent très tôt, en 1971. Le laboratoire traverse une crise financière : les moyens sont insuffisants pour maintenir toutes les activités. Le comité de direction du 27 Mai 1971 cristallise l’opposition entre les idées de Vogel et les nouvelles tendances, incarnées par Robert Chabbal, qui a grandement participé à l’échafaudage des SPI au CNRS. Vogel se plie aux volontés de la direction de s’ouvrir aux industriels, par des contrats, et de réfléchir à la constitution d’équipes par sujet. Mais, s’il fait son possible, Vogel part à la retraite en 1973, sans avoir eu le temps de modifier les structures du laboratoire. Son successeur, Bernard Nayroles sera chargé de transformer le laboratoire, ce qu’il va faire radicalement et en profondeur.

Notes
1687.

Communication personnelle de R. Bouc. Dans une certaine mesure, Vogel adhère à l’idée que l’activité scientifique se développe pour "l’honneur de l’esprit humain". On trouve ces affirmations dans une discussion avec L. Brillouin, lors de son passage au LMA en octobre 1966 (Archives du LMA).

1688.

Archives LMA, Procès verbal du Conseil de direction 13 décembre 1958. Vogel se plaint des coûts pour le laboratoire : il affirme que l’argent versé par les demandeurs n’est pas attribué au laboratoire mais redistribué au CNRS (information que nous ne sommes pas parvenu à vérifier). Au conseil de direction, Vogel s’oppose aux idées de Néel et Coulomb qui considèrent qu’il faut emmener la recherche au point où on peut la passer à un industriel.

1689.

Le service d’essais est considéré comme un service public et doit aider à la "propagande (sic)" auprès des architectes, industriels et demandeurs d’études (Procès verbal du Comité de direction, 5 janvier 1960).