La fin de la dynamique théorique

L’ère Vogel aura préparé le terrain aux SPI et à l’informatique, malgré les réticences de Vogel lui-même. Sur le plus long terme, on peut voir cette continuité comme la persistance de l’école Pérès où Mécanique et mathématiques appliquées ont été associées. Nayroles, proche de Paul Germain, et Vogel sont issus de cette tradition française. Nayroles et Germain sont d’ailleurs les organisateurs du congrès de 1975, "Applications de l’analyse fonctionnelle aux problèmes de mécanique", destiné à susciter une rencontre entre mathématiciens et mécaniciens. Il est vrai qu’avec l’éclatement de la section 3 les liens entre les deux communautés se sont un peu distendus, chacun développant ses thématiques séparément. Quelques scientifiques ont maintenu la tendance initiale, tout en sachant l’adapter aux nouveaux enjeux des SPI.

Le sort de la "dynamique théorique" au LMA est scellé. Avec l’intégration sous forme d’équipe, il n’y a plus de place pour ces travaux trop théoriques, un peu désintéressés. La fin de ces recherches est le résultat des nécessités d’organiser la recherche, de faire des SPI et la conséquence du faible nombre de chercheurs en mathématiques appliquées : avec Vogel, la liberté de choix de chacun présidait aux recherches menées au CRP ; désormais, à moins de se marginaliser, chaque chercheur s’inscrit dans un projet. Dans les faits, un seul cas de marginalisation est constaté : celui de José Argémi. Elève de Vogel, il est devenu un spécialiste des mathématiques des systèmes dynamiques, s’intéresse à la théorie des catastrophes et se rapproche du "mathématicien pur". A la fin des années 1970 il s’intègrera dans une autre recherche, indépendante de celle réalisée au LMA.

La fin de la "dynamique théorique" correspond à l’avènement d’un nouveau régime pour la science, au CNRS : l’ère de la science "lourde", très organisée, où la division du travail est importante, et incarnée par les SPI. La "dynamique théorique" aura participé, non pas au développement du chaos, mais à un renouveau du LMA. On peut penser qu’il y a une certaine "logique" à cet abandon : dans le système des "sciences de transfert" et des "sciences d’analyse", la science du chaos, dans ses premiers temps, comme la "dynamique théorique", ont plus leur place au niveau de l’analyse que du transfert. Le CRP incarnait les deux types de recherches et s’est orienté vers les SPI, assez naturellement au regard de l’activité développée en Mécanique et en acoustique depuis sa création.