Le contexte

Le Laboratoire d’Automatique et de ses Applications Spatiales (LAAS) est crée le 10 juillet 1967 selon une volonté commune du CNES et du CNRS, au sein du complexe Aérospatial à Toulouse. Il est construit en partie sur la base des équipes du Laboratoire de Génie Electrique (LGE) existant depuis 1957 à Toulouse. La direction du nouveau laboratoire propre est confiée à Jean Lagasse, professeur à l’université de Toulouse, et futur directeur du département des SPI (novembre 1975-février 1979).

Les missions du laboratoire sont initialement des études d’Automatique 1705 et leurs applications dans le domaine industriel (conduite des processus) et spatial (commande d’altitude notamment) 1706 . La recherche est organisée par groupes : théorie et simulation / systèmes logiques et techniques numériques / composants électroniques / systèmes et signaux 1707 . Les recherches entreprises au LAAS font donc appel aux domaines des mathématiques, de l’informatique, de la physique du solide et des sciences et techniques spatiales.

Dès l’installation du laboratoire la question des moyens informatiques est perçue comme déterminante. Les machines locales, incluant le Centre de Calcul, ne suffisant plus, il devient même vite "absolument nécessaire" au laboratoire de posséder une machine type IBM 1130 permettant la mise au point de programmes envoyés ensuite au CIRCE 1708  : un tel terminal est opérationnel en septembre 1971 et résout partiellement le problème 1709 . La pénurie de moyens informatiques n’est pas le souci au LAAS et c’est dans ce contexte que se développent les recherches de Mira et Gumowski, sur les récurrences non linéaires.

Le contact avec les questions de dynamiques complexes est venu, au laboratoire de Génie Electrique en 1958, avec l’étude des circuits électriques. Gumowski arrive en octobre 1958, pour deux années à Toulouse ; c’est grâce à lui, qui a déjà des connaissances étendues en matière de non linéaire, et en collaboration avec Mira, que la recherche se développe. A partir de 1963, ce sont les récurrences linéaires (les applications bidimensionnelles non inversibles en premier lieu) dont s’occupe Mira, en rapport avec des questions pratiques : il s’agit de déterminer le domaine de perturbation qu’un système peut subir sans changer qualitativement ce qui correspond à déterminer les frontières des bassins de conditions initiales caractérisant ces dynamiques 1710 . D’après Mira, rétrospectivement, les premiers attracteurs étranges ont été obtenus dès 1968 sur des systèmes de récurrence. Il est hors de propos de présenter l’impressionnante quantité de résultats obtenus sur un thème finalement très peu abordé avant les années 1960 1711 . Nous soulignerons simplement les caractéristiques des recherches, à la fois originales et proches de considérations contemporaines. Avant tout, les recherches au LGE-LAAS sont caractérisées par une abondance de simulations numériques et des motivations autant du domaine des mathématiques que de l’électronique. En un sens, elles sont proches des travaux d’Ulam sur les transformations non linéaires : le sujet est semblable, mais la perspective est moins celle de l’ergodicité et de la classification générale des transformations, que de développer des moyens d’analyse d’un comportement donné par un modèle. Par ailleurs, Gumowski a attiré l’attention du groupe sur les travaux de Hayashi et son groupe : on peut noter la proximité autant sur les méthodes qualitatives et quantitatives employées à Toulouse et à Kyoto, que sur le sujet de l’ingénierie électrique 1712 . Les travaux japonais sont réalisés sur ordinateur analogique à propos des équations différentielles, alors qu’à Toulouse ce sont des machines numériques, traitant des itérations discrètes.

Dans les années 1960, le groupe de Toulouse est donc en pointe dans son domaine et, avant 1975, les moyens de visualisation et d’analyse des phénomènes de type du chaos sont déjà en place. La meilleure illustration de la reconnaissance des travaux de Mira et Gumowski est le colloque organisé à Toulouse, en 1973 : "Transformations ponctuelles et leurs applications". Il fait partie de la série des colloques internationaux du CNRS (n° 229) et réunit les meilleurs spécialistes : on retrouve M. Hénon, J. Ford, B. Chirikov, M. Urabe, J.H. Bartlett parmi beaucoup d’autres. Le groupe de Toulouse est à son apogée et le colloque montre que leurs travaux sont très appréciés à l’étranger.

Notes
1705.

Ce qui inclut : théorie et simulation, traitement du signal, composants et fiabilité, électronique appliquée aux automatismes

1706.

Travaux et publications du LAAS-CNRS et de sa section associée le Laboratoire de Génie Electrique, année 1968. Archives du CNRS, G850001 Art 7.

1707.

Rapport au comité directeur, 11 octobre 1969, G 850001 Art 7, Archives du CNRS. Deux services complètent l’activité du LAAS : un service Mesures, Capteurs et Instrumentation, un autre Simulation et Traitement de l’Information.

1708.

Centre Inter-Régional de Calcul Electronique, installé en 1969, sur le site de l’Université d’Orsay.

1709.

Rapport au comité directeur, novembre 1971, G 850001 Art 7, Archives du CNRS.

1710.

Mira détaille les principaux systèmes étudiés et les résultats de ces premières études dans [ABRAHAM, R., UEDA, Y., 2000], Paragraphe 3, p. 103-115.

1711.

Voir note précédente (n° 1710).

1712.

Hayashi et Gumowski ont eu une longue et amicale collaboration ([ABRAHAM, R., UEDA, Y., 2000], p. 97).