a. Les sciences d’analyse dans le Rapport de conjoncture de 1974

Le rapport des "sciences d’analyse" montre deux tendances au niveau des développements les plus d’actualité : diversification et complexité 1723 . Il y a "le souci de décrire des structures réelles et leurs évolutions en précisant leurs déviations par rapport à des modèles simples" 1724 . Cependant, les modalités du développement scientifique et les relations avec les SPI restent figés dans les discours classiques. En effet, pour les auteurs, "la fertilisation croisée des divers domaines de la physique reste le moyen le plus sûr pour progresser" 1725  : cela ne témoigne pas de velléités d’ouverture de la physique. Il y a pourtant un souci affiché de communiquer avec les autres domaines de recherche, en particulier avec les SPI ; mais les modalités de la communication restent assez ambiguës. L’idée essentielle est que la physique conditionne le développement des autres disciplines : les SPI "se nourrissent continûment des progrès les plus récents de la physique" 1726 . Pour les autres disciplines telles que la chimie, les sciences de la vie, "les apports grandissants de la physique [...] en font un point clé des études interdisciplinaires". On peut s’interroger sur l’opportunité de ce dernier terme : s’agit-il d’établir un dialogue entre disciplines ou un transfert à sens unique de la physique vers les SPI et autres disciplines ?

La dichotomie fondamental / appliqué marque encore profondément l’esprit des physiciens et la présentation des bilans selon ce schéma est évidente 1727 . On peut donc s’interroger sur l’impact véritable de la mise en place des SPI. Ce changement est-il enregistré comme une carte blanche au développement d’une recherche fondamentale, dont le transfert incombe désormais aux seules SPI ? Se pourrait-il que ces secteurs de la physique se soient contentés de remplacer les anciennes "sciences appliquées" par les nouvelles SPI dans leur vision de l’activité scientifique ? Le rapport de 1974 donne un état des lieux trop circonstancié pour y répondre, mais laisse beaucoup de doutes.

Notes
1723.

Au fil du rapport, il est souligné que la variété de systèmes étudiés (en physique nucléaire, atomique ou physique des milieux condensés, à propos des matériaux tels que les amorphes, paracristaux, composites, etc.) est le résultat de la mise en œuvre de nouveaux instruments et le perfectionnement de nouvelles techniques d’observation et de détection, dont les lasers, le rayonnement synchrotron, les techniques neutroniques notamment. L’informatique joue également un rôle de plus en plus évident.

1724.

Rapport de conjoncture du CNRS 1974, p. 9.

1725.

Selon les auteurs, cette conclusion est expliquée par l’"importante mutation" amorcée au sein de la physique : celle de la remarquable unité des concepts et des modèles dans la physique (théorique). Différents domaines de la physique ont pu par exemple croiser leurs approches et s’interféconder ou s’approprier des concepts et méthodes issus d’autres branches de la physique (utilisation de méthodes de théorie des champs pour comprendre les transitions de phase, par exemple). Rapport de conjoncture du CNRS 1974, p. 9.

1726.

La physique "commande, par ses concepts, toute la science des matériaux, elle marque profondément la science des systèmes et des télécommunications et enfin, une de ces grandes vocations n’est elle pas de trouver l’énergie dans la matière et de la libérer de cette dernière". Ibid.

1727.

C’est également la tonalité du rapport concernant la physique atomique et moléculaire d’une part (ibid., p.29), la physique des milieux condensés d’autre part (ibid., p.41).