b. Un bilan général sur les ATP de mathématiques

Un regard plus global sur les ATP et leur évolution laisse penser que l’impulsion n’a pas été réellement canalisée, qu’elle ne correspond pas à une politique volontariste et, en réalité, le financement des projets sur le chaos est une sorte de dérive par rapport à l’intention de 1976. En effet, l’évolution des thèmes et des appels d’offre passent des "Mathématiques pour l’Ingénieur" aux "Applications des mathématiques" voire "Applications des mathématiques pures" (selon les rapports consultés) vers 1979. Les ATP sont a priori ouvertes à toutes les sections mais les projets sont tous inscrits en MPB (sans doute parce qu’il s’agit avant tout de mathématiques). Le SPI n’est donc pas impliqué directement et peu de laboratoires SPI y participent : le LMA et le LAAS sont quasiment les seuls laboratoires SPI de l’ATP. Le LIMSI et quelques autres interviennent marginalement. En revanche, les laboratoires de mathématiques appliquées (CNRS et université) trustent les contrats, ce qui est en parfait accord avec les appels d’offres qui s’orientent plus naturellement vers les mathématiques appliquées et physique théorique que les SPI.

Comment interpréter l’abandon des "Mathématiques pour l’ingénieur" ? La majorité des projets venant des laboratoires de SPI s’attachent à la mise en œuvre de méthodes numériques plutôt que de "vraies" analyses mathématiques de modèles. Nous pouvons l’interpréter comme un déficit de mathématiques en SPI, ce à quoi l’ATP entendait répondre. Néanmoins, au final, les ATP n’ont pas servi à mobiliser des chercheurs dans ce sens. Ces actions ont été "récupérées" au profit des mathématiques et de projets un peu atypiques, pluridisciplinaires, mais en restant au sein du MPB ; les recherches sur le chaos en font partie. Comme si les mathématiques sont une affaire trop sérieuse pour être laissée aux SPI. Ceci témoigne de la faiblesse d’une action ATP qui n’est pas maîtrisée et oublie son objectif initial. Il nous semble que cela n’est pas sans rapport avec l’absence de politique scientifique en MPB, ni en physique, ni en mathématiques.

Cependant, le CNRS a su répondre à une demande forte des scientifiques et les financer des projets de mise en place de structures légères, souples et éphémères. L’interdisciplinarité, et ici plus spécifiquement une bidisciplinarité, si difficile à mettre en œuvre au CNRS bénéficie d’un soutien financier et institutionnel.

Enfin l’action ATP, intéressante sur le moment car elle vient pallier un manque précis, montre ses limites sur quelques années d’"utilisation". Le rapport de conjoncture 1989, avec un peu de recul, dresse un bilan global des ATP : les inconvénients sont les mêmes pour toutes les actions menées, à savoir qu’il s’agit d’une action ponctuelle mais pas sur le long terme et que rien ne les a ensuite relayées 1771 . Dans le cas des ATP de mathématiques, un contrat de 2 ans en appelle souvent un second, voire un troisième sur un sujet connexe 1772  : le CNRS reste dans ce cas une source de moyens pour recherches un peu marginales ou pour lesquelles il suffit d’une structure très légère. L’esprit ATP voudrait qu’un financement court lance une dynamique sur un sujet, mais dans la majorité des cas, la fin du financement marque la fin du projet de collaboration. Les recherches et les collaborations auraient dues être poursuivies dans le cadre des laboratoires, sur leur financement propre. Ce qui ne fait que renvoyer au problème initial : ces recherches interdisciplinaires, un peu atypiques, rentrent difficilement dans les programmes des laboratoires.

Notes
1771.

Nous renvoyons à notre analyse du Rapport de conjoncture 1989 et de la situation à la fin des années 1980, page 716.

1772.

On peut reprendre l’exemple précédent du projet d’Argémi-Gola. Une ATP "Stochasticité et exposants de Lyapounov des systèmes dynamiques à nombre variable de degré de liberté" est organisée par Froeschlé de janvier 1982 à décembre 1983, relayée par un autre projet en collaboration avec J.C. Fernandez (Observatoire de Nice) en 1983 (sur un thème proche : "Stochasticité et exposants de Lyapounov des systèmes dynamiques à nombre variable de degrés de liberté - Applications à la mécanique céleste"). Notons que Fernandez était lui-même organisateur d’une ATP (janvier 1981-juin 1982) "Perturbation forte d’ondes solitaires". Archives du CNRS, G-850117 Art 4-7. Plusieurs autres groupes ont jonglé avec ce type de financements.