a. Le CNRS s’implique en mathématiques

En mathématiques, une vague priorité avait été accordée aux "mathématiques appliquées" dans les années 1970. Autour de 1980, les chercheurs CNRS ne représentent que 6% de l’ensemble des chercheurs en mathématique en France et le CNRS fait du saupoudrage de moyens 1773 . On en reste à une division entre mathématiques "pures" et appliquées, avec un développement de mathématiques très "internaliste" 1774 . Ce qui ne veut pas dire que l’activité est décadente : la médaille Fields est attribuée à Alain Connes en 1982 (Directeur de Recherche au CNRS). Mais elle n’est pas adaptée aux nouvelles exigences.

A ce moment là, fait unique depuis la création du CNRS, il apparaît que les recrutements en mathématiques au CNRS sont en hausse : 1983 marque une accélération (17 recrutements signalés), confirmée l’année suivante (10 recrutements supplémentaires). Plus globalement, sur la période 1980-97, les effectifs mathématiciens croissent régulièrement, avec deux légères inflexions en 1985 et 1991 1775 . En 1987, le recrutement, même faible, a déjà permis de maintenir à flot l’"école française" (80% des mathématiciens de moins de 32 ans sont au CNRS, 80% des plus de 32 ans sont à l’université). Les effectifs évoluent pour deux raisons essentiellement : le recrutement universitaire est en perte de vitesse et le CNRS s’engage à combler les lacunes et à prendre des jeunes chercheurs 1776 .

L’action du CNRS en mathématique se diversifie. Les financements de projets de toutes sortes 1777 sont devenus presque une servitude, le CNRS intervient ponctuellement au niveau de l’équipement informatique 1778 .

Les années 80, avec le renforcement des mathématiques au CNRS, sont les années d’un apprentissage de l’ouverture, déjà marqué par les ATP de mathématiques. Un changement s’opère ensuite dans ces ATP : l’ATP "Mathématiques et biologie" est crée en 1984 1779 , "Mathématiques, informatique et applications", en 1985, en commun avec le SPI. Ces actions corroborent les discours fixant une priorité pour les mathématiques au CNRS. Cette priorité s’incarne par ailleurs dans la mise sur pied d’une prospective et d’une réflexion sur les mathématiques.

Notes
1773.

Demandé par les mathématiciens, le CIRM (Centre International de Rencontres Mathématiques) à Marseille, est construit et inauguré en juin 1981 (Rapport d’activité du CNRS, 1981-82, p. 26). Le CNRS est également un pourvoyeur de fonds pour les multiples colloques internationaux (il suffit de consulter les Rapports d’activité du CNRS de 1974 à 1982). Voir aussi la note .

1774.

Il est d’ailleurs symptomatique de voir la médaille d’or du CNRS remise à Henri Cartan en 1976 (la précédente en mathématiques remonte à celle d’Hadamard en 1956). Son discours est une confirmation de toutes ces tendances : "C’est précisément le caractère imprévisible de la découverte en mathématique qui rend vain tout projet de planification de la recherche fondamentale dans ce domaine. Que les autorités responsables du CNRS veuillent bien ne pas s’offusquer d’une telle situation ! Le seul moyen de favoriser la recherche mathématique consiste à assurer aux chercheurs l’indispensable liberté d’esprit et la possibilité de contacts fréquents qui permettent l’échange des idées. Il n’y a pas de meilleure justification pour la création tant attendue du centre international de recherche de Luminy. […] La recherche mathématique peut et doit être considérée comme partie intégrante de la "recherche fondamentale", de cette recherche fondamentale dont on reconnaît à nouveau le rôle éminent parce qu’elle conditionne les applications techniques." (Quelques extraits du discours prononcé le 1er février 1977, Archives du CNRS).

1775.

Nous nous appuyons sur quelques chiffres, souvent globaux au MPB, et une Lettre du SPM (n° 31, Juillet-août 1997) dans laquelle est publié un très court dossier "L’évolution, depuis 30 ans, de la place des mathématiciens au CNRS, et du rôle du CNRS en mathématiques".

1776.

En suivant l’article précédent (cf. note précédente n° 1775), plusieurs paramètres rentrent en ligne de compte. D’abord le recrutement universitaire et les départs du CNRS vers l’université sont de plus en plus faibles. Ainsi, les années 1970 sont des années de "quasi-arrêt" du recrutement (en 1979, 10 mathématiciens sont recrutés pour 3500 au total !) ; le CNRS ne peut pas encore compenser ce manque dans le renouvellement de générations. En parallèle, les départs du CNRS se tarissent franchement (28 en 1972, 11 en 1975, 7 en 1981), avec une conséquence importante : les mathématiciens demandent à faire "carrière" au CNRS (ce qui était impensable auparavant). La population constituée surtout d’AR s’étoffe en CR et DR au cours des années 1970 (en 1982, ils dépassent en nombre les AR). Le CNRS ouvre alors peu de postes nouveaux avant les années 1980. Pour prendre le relais de l’université et faire face à un vieillissement de la population de chercheurs en mathématiques, le CNRS s’engage ensuite dans un recrutement important de jeunes chercheurs, qui explique la croissance des effectifs dans les années 1980.

1777.

En parallèle au CIRM (voir note 1773), il existe un projet de redonner à l’Institut Henri Poincaré (IHP) sa vocation de lieu de rencontre entre mathématiciens et physiciens théoriciens. Au niveau des colloques, on peut constater une présence croissante du MPB dans les questions de mathématiques : si de 1980 à 1985 peu de colloques internationaux du CNRS sont consacrés aux mathématiques, à la fin des années 1980 un grand nombre de réunions nationales ou internationales sont financées (ou co-financées) par le CNRS (par exemple, en 1987, 6 colloques sont financés par le MPB et 5 autres sont associés au MPB).

1778.

L’action entre dans le cadre des opérations "équipements mi-lourds" du MPB, à hauteur de un ou deux équipements par an sur la fin des années 1980. Par exemple, 380 000 Frs sont versés en 1987 pour l’équipement de l’Unité Associée 305, Institut de Recherche Mathématique de Rennes, dirigée par G. Métivier (Lettre MPB n° 6, Juin –juillet 1987) ; 1,2 millions de Frs en 1989 (Lettre MPB n°10, Novembre-décembre 1989, p.11). La part de mini-informatique, pour les mathématiques comme pour la physique, augmentera sensiblement seulement dans les années 1990.

1779.

Rapport d’activité du CNRS 1984, p. 26.