c. Les mathématiques dans la recherche

Clairement, les discours sur les mathématiques s’écartent des invocations de la "brillante école française de mathématiques" : "Les mathématiques constituent l’un des thèmes privilégiés du CNRS et plus particulièrement les mathématiques appliquées, insuffisamment développées en France [...]" 1786 . Les mathématiques reviennent en force pour diverses raisons : parce qu’elles "apportent un appui considérable à l’effort de théorisation des autres disciplines" 1787 , qu’elles sont un "enjeu pour les années à venir, qui fait l’objet d’une évolution ressentie mondialement" 1788 . Les raisons les plus profondes et les conséquences qui en seront tirées sont explicitées dans le rapport de conjoncture de 1989. Un avant-goût se trouve dans le Rapport d’activité 1988 du MPB :

‘"En mathématiques comme en physique, l’ouverture a été importante ces dernières années, par suite d’une avancée considérable vers la compréhension des systèmes complexes. Ce couplage important entre problèmes réels et recherche très fondamentale prépare les véritables innovations des années à venir, comme l’ont été, par exemple, les lasers et les matériaux magnétiques dans les années 60." 1789

La place des mathématiques dans la recherche a donc évolué considérablement dans les années 1980, passant d’une activité plutôt académique à un "enjeu" véritable (rétrospectivement, la Mécanique apparaît un peu comme un signe avant-coureur de cette évolution). Autre façon de le dire, selon Daniel Thoulouze, directeur du MPB en 1988 :

‘"Dans la plupart des pays industrialisés les mathématiques sont de plus en plus reconnues comme un élément stratégique de leur développement. Longtemps perçues comme un objet d’études en soi, voire comme un exercice intellectuel à l’usage exclusif d’initiés, perception due pour une large part à la manière dont elles sont trop souvent enseignées, elles apparaissent aujourd’hui autant comme science appliquée que comme science fondamentale." 1790

La création d’un poste de directeur adjoint pour les mathématiques en 1988 semble véritablement entériner l’importance nouvelle de la recherche en mathématiques dans le système de recherche, au CNRS et au MPB 1791  : le premier adjoint est J.P. Ferrier 1792 .

L’ensemble de ces réflexions sur la place des mathématiques se poursuit jusqu’en 1989. Le Rapport de conjoncture produit la même année est en quelque sorte une synthèse des leçons à tirer de la situation nouvelle, pour les questions de mathématiques. Déjà la forme du rapport de conjoncture de 1989, indique qu’il ne sera pas dans la lignée de ses prédécesseurs : la réflexion se construit sur la base de commissions transdisciplinaires dont une est consacrée aux mathématiques et intitulée "Les interactions des mathématiques".

Notes
1786.

Rapport d’activité du CNRS 1984, p. 26.

1787.

Rapport d’activité du CNRS 1985, p. 2.

1788.

Rapport d’activité du CNRS 1986, p. 44.

1789.

Rapport d’activité du CNRS 1988 (nous mettons en évidence).

1790.

Lettre MPB, Novembre-décembre 1988, p.2.

1791.

Selon la Lettre MPB (n° 31) évoquée plus haut (note 1775), la création de ce poste serait aussi le résultat d’un conflit opposant la direction du département avec la commission de mathématique, laquelle formulerait des demandes de plus en plus agressives, du fait des problèmes des "carrières" des chercheurs en mathématiques au CNRS. La création du poste n’aurait pourtant rien changé à cette situation de crise.

1792.

Lettre MPB, Novembre-décembre 1988. Jean-Pierre Ferrier, professeur à Nancy depuis 1971 à la chaire de méthodes mathématiques de la physique, a un profil intéressant pour ce poste : "Ses activités d’enseignement l’ont conduit vers des secteurs moins traditionnels de l’université, comme l’enseignement pour les élèves-ingénieurs, où il a participé à une expérience originale de coopération entre mathématiciens et physiciens" (ibid.).