d. Le champ du chaos en 1989

Dans les discours de 1989, le domaine du chaos accède à une pleine reconnaissance. En réalité, il est intégré à un domaine plus vaste, "l’ordre et le chaos dans la matière", que les notions de chaos, aux côtés de nombreuses considérations sur la "complexité", ont contribué à établir.

Ce champ de recherche est le produit d’une longue évolution, dont les racines apparentes remontent au moins à 1969. Cette évolution est la manifestation d’une prise de conscience des nouvelles tendances de la recherche scientifique : l’interdisciplinarité, la complexité, les simulations numériques, la place des mathématiques. En ce sens le chaos, par les conceptions déployées mais aussi par la publicité l’entourant, a participé à donner une visibilité aux nouveaux enjeux. En 1989 il profite d’un retour des choses et bénéficie de la dynamique instaurée pour pénétrer les discours généraux.

Il est vrai que la reconnaissance est tardive, relativement à l’identification du premier "paradigme" officiel pour le chaos, en 1982. Localement et ponctuellement, les recherches sur les systèmes dynamiques non linéaires et le chaos ont été reconnues et soutenues depuis la fin des années 1970, en phase avec les problématiques internationales. Cependant la reconnaissance qu’un nouveau domaine de recherche a émergé, avec ses problématiques, ses méthodes, ses enjeux et ses perspectives (ceux admis en 1982) a été retardée au niveau des instances du CNRS et du Comité National. Le domaine du chaos entre de plein pied dans leurs considérations par le fait d’une prise de conscience beaucoup plus globale d’un changement de régime scientifique, dont le chaos peut être vu comme un avatar.

Le rapport de conjoncture de 1989 traduit ce nouveau contexte et la volonté réelle de coordonner les recherches aux frontières des mathématiques. Il reste à déterminer les actions menées en conséquence de cette vaste mise en question de l’organisation des recherches, au MPB en particulier. En effet, le champ de "L’ordre et du chaos dans la matière", qui s’affiche pour la première fois comme tel, est certes le résultat d’une évolution en profondeur, mais l’unification proposée par le discours suffit-elle a en assurer la pérennité ? Y aura-t-il de nouvelles remises en cause de cette structure interdisciplinaire qui n’est finalement qu’un nouveau découpage ? En outre, le champ ne coïncide pas avec le découpage du Comité National car ce dernier n’a été arrangé que pour la circonstance du rapport. Les discours de 1989 promettent beaucoup de changements ; nous verrons ce qu’il en sera, avec la transformation opérée au début des années 1990.