Introduction générale

1.Problématique

1.1. Hausse des inégalités socioéconomiques en Europe et en France à la fin du XXe siècle

La question des inégalités économiques et sociales est devenue de plus en plus aiguë à la fin du XXe siècle. En Europe et aussi en France, ces inégalités se traduisent par la montée de chômage, surtout chez les catégories défavorisées, la baisse des salaires réels des travailleurs les moins qualifiés, le ralentissement de l’augmentation des revenus, la croissance des écarts entre les plus riches et les plus pauvres. Selon PIKETTY [2002], l’inégalité du revenu par unité de consommation en France connaît une stagnation depuis le début des années 80, après une forte baisse pendant les années 70. Une légère tendance à l’augmentation peut être détectée depuis le début des années 90. Toujours selon Piketty, cette évolution des inégalités de revenu est cohérente avec les tendances que connaissent tous les pays occidentaux : l’inégalité des revenus a cessé de se réduire dans les années 80/90, à l’image de l’inégalité des salaires, et elle a augmenté de façon sensible dans les pays où l’inégalité des salaires avait repris une tendance ascendante. D’ailleurs, l’INSEE [1998] a constaté que l’inégalité des revenus aujourd’hui concerne de plus en plus les ménages jeunes. Le revenu poursuit sa progression pour les ménages les plus âgés tandis qu’il cesse de croître pour les tranches d’âge les plus jeunes : les ménages de 25-35 ans ont aujourd’hui le même revenu par unité de consommation en francs constants que celui que les ménages de 25-35 ans avaient il y a dix ou vingt ans.

La relation entre la condition économique et les transports a été depuis longtemps relevée. Par exemple, REICHMAN [1983] constate que le revenu est l’un des éléments importants qui déterminent la mobilité. Partant de cette constatation, on doit se demander si ces inégalités socio-économiques se répercutent dans le domaine de la mobilité et des transports. Est-ce qu’une hausse dans l’inégalité des revenus engendre aussi une hausse dans l’inégalité de la mobilité ou dans l’inégalité du taux de motorisation ? Si oui, est-ce que la relation est simple, mécanique et linéaire ? Si non est-ce qu’il y a d’autres facteurs qui interviennent ? Dans ce cas, quels rôles jouent les inégalités économiques dans les inégalités face aux transports ?

Ces questions requièrent des travaux empiriques sur des données qui contiennent à la fois des informations sur le niveau de vie des ménages ou des individus et sur leurs comportements de transport ainsi que sur leur niveau de motorisation. Dans le domaine de la santé, OAXACA [1973] puis WAGSTAFF et alii [2003] ont développé des méthodes statistiques permettant d’analyser la structure d’inégalité d’une variable par rapport à ses variables explicatives. Bien qu’on ne puisse pas transposer tels quels les problèmes des inégalités dans le domaine de la santé, une telle application dans le domaine des transports résoudrait statistiquement ces questions.