1.2.3.« Mise à jour » des concepts de l’égalité dans les transports par les théories de la justice distributive

Les théories de la justice distributive qui se développent notamment depuis les années soixante-dix, l’égalité des ressources (John Rawls), l’égalité des chances (John Roemer), l’utilitarisme et puis la capabilité (Amartya Sen), proposent plusieurs éléments pour compléter les concepts de l’égalité pré-existants. Les transports trouvent une place particulière dans chaque théorie. Les différentes dimensions peuvent donner des résultats ou des mesures cohérentes mais dans la plupart des cas ces différentes dimensions conduisent à des résultats différents et même contradictoires. Considérer les transports en tant qu’utilités, en tant que ressources, en tant que chances ou en tant que capabilités et proposer une égalisation, donc chacune dans sa dimension, conduit simplement à des résultats différents. Dans le cas extrême, une égalisation dans une dimension induit une inégalité dans une autre dimension.

Le choix de ces théories comme cadre de nos analyses dépend ainsi du but poursuivi. Il dépend donc du champ de notre évaluation, de la valeur de la justice que nous voulons utiliser et de la disponibilité des données. Les développements théoriques et l’exigence du concept du développement durable montrent que le problème des inégalités dans les transports s’éloigne de plus en plus de la théorie utilitariste pour aller vers les théories de l’égalité des ressources, des chances et de la capabilité.

En effet, il nous semble évident que les transports constituent un élément indispensable qui permet la réalisation des libertés de base et leurs variantes dans les sociétés démocratiques. La liberté du mouvement des personnes et des biens (« liberté d’aller et de venir » garantie par la Constitution française, liberté de circulation des personnes (espace Schengen) des biens et des capitaux dans l’Union Européenne,…) elle-même est assurée par l’application d’un concept du droit aux transports (Loi d’Orientation des Transports Intérieurs LOTI de 1982). Un développement plus avant de ce droit conduit à la nécessité de garantir un certain seuil minimum d’accès (consommation ou accessibilité) aux transports pour tous les individus dans la société concernée. Ce seuil minimum est proposé par toutes les théories sauf l’utilitarisme. Caractérisées par leur dimension d’égalité, les définitions de ce seuil varient d’une théorie à l’autre (revenu minimum social de Rawls, « level playing field » de Roemer, capabilité de base de Sen). Ceci conduit automatiquement à des niveaux différents du minimum social et renvoit encore une fois au choix de la théorie de l’égalité.