Mobilité professionnelle ou reconversion professionnelle ?

Dans les textes spécialisés, le terme de "reconversion professionnelle" est employé dans un sens qui correspond à l’objet de notre recherche. On y désigne sous ce terme les changements de position professionnelle en cours de carrière, nettement différenciés de ce que recouvre le terme, bien plus vague, de "mobilité professionnelle". Si nous suivions strictement la terminologie spécialisée, nous devrions donc avoir recours exclusivement à l’expression reconversion professionnelle. Cependant, le terme de "reconversion" garde une forte connotation morale (qui renvoie au champ sémantique de la conversion religieuse ou idéologique) et présente des difficultés d’utilisation dans notre champ de recherche, car il induit la notion de rupture radicale. Si l’on en reste à la formulation spécifique de reconversion professionnelle, on s’expose à restreindre abusivement l’objet de notre recherche, en focalisant l’étude sur les destinations professionnelles les plus en rupture avec la position de départ. Or notre recherche est en partie sous-tendue par l’hypothèse selon laquelle il est indispensable de prendre en compte l’ensemble des changements de position professionnelle (du plus ténu au plus radical). De plus, l’usage systématique de l’expression reconversion professionnelle présente l’inconvénient d’être très largement source de malentendu, en particulier avec les acteurs sociaux concernés. Mais l’expression mobilité professionnelle comporte elle aussi des inconvénients, en particulier à cause de sa polysémie. On sait que la sociologie emploie cette expression dans une première acception pour désigner les changements de positions socioprofessionnelles d’un individu, par opposition à la "mobilité sociale" qui désigne les changements de positions intervenus entre deux générations. Dans cette première acception, on s’intéresse au changement de position sociale d’un individu du fait de son accès à une position professionnelle : cela revient souvent à comparer la position socioprofessionnelle d’un répondant à une enquête avec la position qu’occupait son père au même âge. Ce premier sens restreint de l’expression mobilité professionnelle ne correspond pas à notre objectif de recherche (même si la mobilité sociale induite par l’accès au métier d’instituteur est un aspect que nous prenons en compte).

Dans une seconde acception, l’expression mobilité professionnelle désigne tous les changements qui peuvent intervenir dans le déroulement d’une carrière professionnelle, entre le moment de l’accès à l’emploi jusqu'à la cessation d’activité. Cela correspond au sens courant généralement attribué par les acteurs sociaux à l’expression mobilité professionnelle et renvoie –au moins partiellement– à nos préoccupations. Aussi, dans le cours du texte, nous utilisons l’une ou l’autre des expressions reconversion professionnelle ou mobilité professionnelle, sans que cela renvoie forcément à une nuance sémantique. La désignation stricte de notre objet correspond d’une part à un sens élargi de l’expression reconversion professionnelle (puisque l’on ne se limite pas aux ruptures radicales) et d’autre part à un sens restreint de la seconde acception de l’expression mobilité professionnelle (puisque l’on exclut du champ de recherche certains changements professionnels, comme la mobilité géographique par exemple). C’est cette double démarcation que tente de rendre le sous-titre de notre recherche : la mobilité professionnelle en cours de carrière des enseignants du premier degré.