II.3. Des départs problématiques

On peut retenir plusieurs éléments de cette première approche. Premièrement, la proportion des départs doit être revue à la hausse par rapport aux valeurs immédiatement accessibles, et l’on doit garder à l’esprit les difficultés entravant l’estimation fiable du taux de reconversion professionnelle des enseignants des écoles. Deuxièmement, l’importance numérique des départs progressifs et la difficulté de les recenser montrent que, vu du côté de l’administration gérant la carrière des instituteurs, les positions intermédiaires ou provisoires ne sont prises en compte que partiellement.

Ce type de gestion des carrières apparaît d’abord comme un avantage accordé aux instituteurs qui ne sont "rayés des cadres" qu’après de longues périodes de transition ou à leur demande expresse. Les enseignants du premier degré peuvent donc tenter une reconversion professionnelle sans devoir "brûler leurs vaisseaux", puisqu’ils gardent la possibilité de revenir à leur position de départ en cas de difficultés. Cette possibilité de départ réversible est très présente dans notre enquête de terrain, nous aurons l’occasion d’y revenir infra, en particulier à propos de la notion de prise de risques que de nombreux répondants minimisent –avec force pour certains– en invoquant justement les possibilités de retour. Mais cette possibilité de sortir tout en restant (dans le cadre administratif) participe sans doute d’une certaine vision de l’institutorat dans laquelle l’expression devenir instituteur n’est pas un vain mot ( 55 ).

Il convient donc d’examiner la gestion administrative des carrières des instituteurs et les choix qui la sous-tendent. On peut s’interroger sur l’interprétation de ces difficultés (résistances ?) administratives à enregistrer les départs de l’institutorat. Notons qu’à un autre niveau, le départ des hauts fonctionnaires vers les entreprises privées est stigmatisé par le terme péjoratif de "pantouflage". La gestion des carrières des instituteurs par l’administration départementale apparaît comme fortement marquée par un certain goût du secret, par un verrouillage de l’information, qui ne peuvent pas s’expliquer seulement par les prérogatives de confidentialité attachées à toute information nominative.

Les départs qui nous occupent apparaissent donc problématiques à deux titres : d’une part, il semble qu’ils soient peu nombreux et, d’autre part, qu’il existe une tendance, chez certains acteurs, à les masquer ou, du moins, à minorer systématiquement leur volume.

Notes
55.

 Plusieurs entretiens et des réponses aux questions ouvertes du questionnaire thématisent cette dialectique de « sortir tout en restant » VS « rester tout en sortant ».