II. 1. Une carrière d’instituteur fortement diversifiée

Le tableau résumant la carrière d’instituteur permet de noter que la position standard en classe représente moins de la moitié de la carrière avant même le départ de l'institutorat ! Et l’on peut pointer dans le récit six ou sept variations de la position professionnelle : formations à l’année sur le temps de travail, congé individuel de formation, responsabilités associatives à temps partiel puis à plein temps, enseignement spécialisé, maître formateur et conseiller pédagogique.

Ces bifurcations dans la carrière de Daniel semblent relever de possibilités d’évolution professionnelle à la fois nombreuses et variées à l’intérieur même de l'institutorat. Cela correspond à ce que nous avons défini dans le premier chapitre comme les filières internes de l’institutorat qui peuvent faire varier fortement les conditions de l’exercice professionnel. Par exemple en revenant à la carrière de Daniel, les SEGPA fonctionnent dans un collège et selon une organisation typique de l’enseignement secondaire (enseignement d’une discipline ou d’un groupe de disciplines, évaluations institutionnalisées et conseils de classes, présence de catégories professionnelles distinctes et hiérarchisées, dichotomie entre l’enseignement et “la vie scolaire”, confié chacun à des groupes professionnels spécifiques, importance du chef d’établissement…). Un autre exemple de diversification se situe au niveau du détachement dans une association qui entraîne une redéfinition radicale des fonctions et des tâches professionnelles autour de la formation d’adultes et de la gestion de budgets et de personnels, comme on a pu le noter dans le tableau d’extraits d’entretien donné en début de section :

‘« Je gérais un budget, je rendais des comptes devant un conseil d'administration, j'ai rencontré des élus locaux […] j'ai participé à la formation […] J'ai pu commander effectivement à un certain nombre de gens […] un certain nombre de tâches ». ’

Ces variations ne cadrent pas avec l’image que l’on peut avoir d’une carrière d’instituteur caractérisée a priori par une grande stabilité, et l’on peut se poser la question « Daniel est-il une exception ? », est-il “atypique” comme il le déclare dans son récit ? Le chapitre deux nous a permis de constater l’importance numérique des mouvements de mobilité et des “postes à profil” qui représentent, selon les départements, de plusieurs dizaines à une centaine d’opportunités de bifurcation et d’évolution professionnelle. L’analyse des débouchés au cours des chapitres suivants fournira d’autres éléments de comparaison et nous permettra de situer plus complètement la carrière de Daniel dans son “espace des possibles”.

Passons pour l’instant à l’étude de la formation en cours de carrière qui constitue un élément important de tout cheminement professionnel et qui joue un rôle crucial dans la trajectoire professionnelle de Daniel, du fait de la fréquence et du volume important des périodes de formation.