Les déroulements de carrière

La structure des carrières des fonctionnaires est organisée selon plusieurs nomenclatures hiérarchisées et emboîtées. Les fonctionnaires sont d’abord répartis en quatre catégories –désignées dans l’ordre hiérarchique décroissant par les lettres A, B, C et D selon le diplôme exigé lors du recrutement– qui correspondent à des niveaux de responsabilité et de salaire décroissants. À l’intérieur de chacune de ces quatre catégories, chaque "métier" de la fonction publique correspond à un “corps de fonctionnaires” qui est défini par un niveau de recrutement, par une mission et par un déroulement de carrière spécifiques. Chaque corps de fonctionnaires est divisé en “grades” à l’intérieur desquels sont définis des “échelons” qui permettent de gérer les “déroulements de carrière” (chap. IV article 29).

Par exemple, le corps des instituteurs relève de la catégorie B des fonctionnaires, et le concours externe de recrutement –sous ses différentes évolutions chronologiques– imposait un niveau de diplôme qui est allé du brevet au deug ; alors que le corps des professeurs d’école relève de la catégorie A de la fonction publique, et le concours externe de recrutement requiert le niveau licence.

Cette disparité catégorielle n’ouvre pas de voie de promotion ou de mobilité professionnelle pour deux raisons : d’une part, le corps des professeurs d’école a été créé pour se substituer au corps des instituteurs qui est, quant à lui, voué à l’extinction ; d’autre part, le "référentiel de métier" (c'est-à-dire la définition des tâches et des fonctions) est strictement identique pour les deux corps. Passer d’un corps à l’autre ne modifie ni la nature du travail effectué ni la position hiérarchique. En fait, les différences entre le statut d’instituteur et celui de professeur des écoles découlent de la revalorisation des enseignants du premier degré. Cependant, on peut relever des enjeux importants, puisque la revalorisation n’est pas seulement salariale mais aussi symbolique, à commencer par la désignation par un terme commun avec le secondaire, et que l’appartenance au cadre A de la fonction publique ouvre de nouvelles perspectives de mobilité, comme par exemple les CAPES internes ou le statut d’ATER (attaché temporaire d’enseignement et de recherche) à l’université, pour lequel le détachement est réservé aux fonctionnaires du cadre A de la fonction publique.

L’emploi occupé par un fonctionnaire est conditionné par son corps d’appartenance et par son grade, selon un ensemble de règles administratives statutaires. Cependant, le fonctionnement réel relève aussi de "droits coutumiers" ou, du moins, de règles empiriques beaucoup moins strictes que les définitions formelles des textes de loi. Et l’analyse des pratiques conduit dans certains cas à distinguer, au-delà des définitions réglementaires, ce que nous avons appelé des positions professionnelles ou des postes de travail, c'est-à-dire les fonctions réellement exercées. Pour certaines positions, on constate l’absence de différence statutaire très marquée, et en même temps une redéfinition profonde des occupations, des responsabilités, des compétences requises et des charges de travail. L’examen de l’emploi/métier “administrateur d’école” du ROME nous a fourni un premier exemple de cette distorsion, et le chapitre cinq consacré aux filières internes de l'institutorat nous permettra de compléter. On peut donc retenir que la liste des postes de travail accessibles à un fonctionnaire est plus ouverte que les définitions officielles du cadre administratif. Un élément de souplesse apportant du "jeu" dans les règles d’affectation des fonctionnaires se situe dans les “positions administratives particulières” que nous allons examiner dans la section suivante.