Aujourd’hui, le directeur est… à l’IUFM

Dans le schéma d’ensemble, la position de DEAA (directeur d’école annexe ou d’application) est présentée dans un cercle car elle constitue une "position terminale" (de fait mais non de droit), c'est-à-dire qu’elle ne comporte ni évolution ultérieure ni retour en arrière. En effet, même si ces possibilités existent en principe, nous n’avons pas rencontré de cas concret de DEAA ayant effectué un retour à un poste d’enseignant, voire ayant poursuivi son parcours professionnel vers un poste de conseiller pédagogique ou de “faisant–fonction” d’inspecteur ( 154 ). Cela tient aux particularités de cette position professionnelle qui constitue un héritage de l'École normale et des écoles annexes, mais qui a été maintenue par les IUFM. Ces postes sont porteurs d’une forte charge symbolique et gardent un prestige interne important, car ils correspondent aux personnes de référence pour les nouveaux recrutés durant leur formation initiale. À côté des formateurs permanents de l’IUFM (héritiers des professeurs d’École normale et garants de "la théorie"), les DEAA sont les représentants légitimes des pratiques professionnelles légitimes. Ils sont donc porteurs de toutes les vertus –réelles ou supposées– que l’on attribue "au terrain", particulièrement lorsque l’on est un débutant inquiet de devoir faire face aux élèves. Mais, en tant que formateurs permanents, ils sont non seulement des praticiens mais aussi des porteurs de "la théorie", ils peuvent donc être perçus comme des « artistes sachant raisonner » :

‘« Il y a dans tout art un grand nombre de circonstances relatives à la matière, aux instruments et à la manœuvre, que l’usage seul apprend. C’est à la pratique à présenter les difficultés et à donner les phénomènes, et c’est à la spéculation à expliquer les phénomènes et à lever les difficultés : d’où il s’ensuit qu’il n’y a guère qu’un artiste sachant raisonner, qui puisse bien parler de son art. » ( 155 )’

Les DEAA sont entièrement déchargés de classe ( 156 ), non pour gérer leur école –et assumer les fonctions “d’administrateur d’école” du ROME– mais pour se joindre aux formateurs permanents de l’IUFM, voire pour intégrer l’équipe de direction. Leur position –à la charnière de "la théorie" et de "la pratique"– leur permet d’assumer pleinement les missions assignées aux maîtres formateurs :

‘« Ces deux fonctions font de lui un partenaire essentiel dans la formation des enseignants du premier degré à la fois comme témoin de la réalité de la classe et de la polyvalence du métier, comme garant d'une articulation efficace et éprouvée entre les savoirs théoriques et la pratique professionnelle, capable d'analyser avec suffisamment de recul la diversité des situations et des démarches d'enseignement pour en percevoir les effets. C'est avec cette spécificité qu'il fait partie intégrante de l'équipe de formateurs. Il contribue à la construction progressive des compétences professionnelles, analyse les pratiques de classe, intègre les exigences et les contraintes de la polyvalence. Dès lors, ses activités en tant que formateur sont de plusieurs sortes : participation effective à la conception, à la mise en oeuvre et au suivi de l'évolution du plan de formation, accueil et accompagnement des futurs professeurs des écoles. » ( 157 )’

On peut même noter qu’ils sont les seuls –grâce à leur disponibilité à plein temps dans leur rôle de formateur– à pouvoir assumer réellement la « participation effective à la conception, à la mise en oeuvre et au suivi de l'évolution du plan de formation ». En cela, on peut considérer un DEAA comme un émissaire des maîtres formateurs, voire comme un "super maître formateur" et en tout cas comme un maître formateur à temps plein. On constate d’ailleurs qu’ils sont souvent les porte-parole des maîtres formateurs en tant que groupe professionnel spécifique ( 158 ). Ils sont souvent considérés également comme des "super directeurs", ou du moins comme les formateurs tout désignés pour la formation spécifique des directeurs d’école primaire.

Notes
154.

 À l’exception de quelques cas de fermeture d’écoles annexes par les centres départementaux des IUFM.

155.

 DIDEROT, Encyclopédie ou dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, Flammarion, 1986, article « Art » cité par DESCOLONGES Michèle, 1996, Qu’est-ce qu’un métier ?, PUF

156.

 La décharge de service peut être accordée à mi-temps dans les écoles comportant moins de quatre classes attribuées à des maîtres formateurs comme on l’a vu dans l’exemple de Daniel.

157.

 MEN, Note de service N°95-268 du 5 décembre 1995 (je souligne)

158.

 Les effectifs donnés plus haut montrent qu’il s’agit d’un groupe restreint au niveau départemental, qui a souvent du mal à se faire représenter spécifiquement par les syndicats et les représentants du personnel.