III.2. Des destinations sociales très regroupées

Après avoir analysé la mobilité sociale en amont, nous allons nous intéresser à présent à la mobilité sociale en aval des répondants, en la replaçant dans le contexte que nous venons d’examiner. Reprenons tout d’abord les valeurs de l’enquête par questionnaire dans les PCS de premier niveau :

Tableau 70 : PCS des répondants après reconversion
(en %) 1 2 3 4 5 6 8 Ensemble
Femme   2 48 47     2 100
Homme 1 5 58 36       100
Ensemble 1 5 55 39     1 100
                 
PCS 42   3 59 21 12 6 100
FQP 85   23 49 15 15 12 100
Champ : liste des destinations professionnelles de l’enquête par questionnaire (et enquêtes INSEE pour les deux dernières lignes).
Lecture : 2% des femmes de notre population se sont reconverties vers une position de la PCS 2 ; 48% vers la PCS 3 ; 47% vers la PCS 4 et 2% vers la PCS 8.

On constate dans ce tableau que les destinations après reconversion concernent à plus de 90% les PCS 3 ou 4, et que la promotion sociale vers la PCS 3 représente la situation la plus fréquente, particulièrement pour les hommes. Les destinations après reconversion varient sensiblement selon le sexe : la répartition des destinations des femmes est marquée par deux pics de fréquence presque égaux dans les PCS 3 et 4, alors que, parmi les hommes, la PCS 3 est beaucoup plus fréquente et les PCS 1 et 2 sont un peu moins marginales. Ainsi, les destinations socioprofessionnelles des hommes de notre population d’enquête sont à la fois plus variées et plus marquées par la promotion que celles des femmes. Le rappel des valeurs générales (sur les deux dernières lignes) permet de noter les spécificités très marquées de la mobilité professionnelle des instituteurs par rapport à l’ensemble de la population des actifs au niveau national.

On remarque particulièrement le faible volume de la mobilité de notre population d’enquête vers le groupe 2 (près du quart des flux généraux et seulement 5% pour nous et 3% pour la PCS 42), et, à l’inverse, la forte mobilité à l’intérieur du groupe 4 (plus du tiers pour les instituteurs, près de la moitié pour les institutrices, et seulement un sixième au niveau global ou un cinquième pour la PCS 42). Cette comparaison permet de relever trois caractéristiques des mobilités professionnelles qui nous occupent, dont les deux dernières constituent des spécificités au regard du contexte général :

  • la prédominance des trajectoires de promotion pour les hommes,
  • la forte présence des mobilités "latérales" (à l’intérieur de la PCS 4),
  • la quasi-absence des trajectoires sociales descendantes.

Il est certain que la dernière caractéristique peut apparaître triviale, car on ne s’attendait pas à ce que les enseignants du premier degré, vu leur statut d’emploi et leur niveau de diplôme, puissent se diriger en masse vers la condition ouvrière ! Les mobilités professionnelles qui nous occupent ayant leur point de départ dans la fonction publique, elles ne sont pas touchées par certains aspects de la mobilité professionnelle prise globalement. En particulier, les mobilités contraintes sont presque complètement absentes de notre objet d’étude, alors qu’elles sont très prégnantes au niveau général, comme le rappellent Laurence Coutrot et Claude Dubar :

‘« …sur le marché du travail, la part de la mobilité involontaire est forte : les démissions ne concernent que 7% des taux de sortie. À un pôle on trouve les hommes cadres des grandes entreprises, à l’autre les ouvriers, les employés et les jeunes, ballottés sur un marché du travail où il est bien difficile de parler d’élaboration d’un projet professionnel. […] En outre, les probabilités de promotion interne qui concernent 20% des hommes cadres ne concernent que 12% des professions intermédiaires et moins de 5% des ouvriers et des ouvrières. » ( 257 )’

Afin de mettre en évidence la “pente” des trajectoires sociales, et puisque les PCS ne sont pas complètement homogènes par rapport à la position de l'institutorat, nous reprenons la liste des destinations professionnelles de notre enquête par questionnaire pour la traduire en trois modalités plus synthétiques : position sociale inférieure, moyenne ou supérieure à l'institutorat et prenant en compte la PCS 8 :

Tableau 71 : Position sociale après reconversion
  position sociale après reconversion
(en %) inférieure moyenne supérieure ensemble
Femme 3 48 49 100
Homme 1 37 62 100
Ensemble 2 40 58 100
Champ : liste des destinations professionnelles de l’enquête par questionnaire.
Lecture : après leur reconversion professionnelle, 2% des répondants occupent une position sociale inférieure à l'institutorat (y compris l’inactivité).

Lorsque l’on ventile les destinations sociales selon ces trois positions, on remarque surtout l’écart très important qui sépare les hommes des femmes. Les cases grisées du tableau signalent les différences essentielles : alors que, pour les femmes, les positions sociales moyenne et supérieure correspondent à des fréquences pratiquement égales, on peut remarquer, pour les hommes, la prédominance très forte de la position sociale supérieure. On peut retrouver ces divergences fortes dans la représentation graphique des valeurs du tableau de données :

Figure 32 : Destinations sociales selon le genre
Figure 32 : Destinations sociales selon le genre

On perçoit clairement dans ces présentations synthétiques la prégnance de la promotion sociale masculine, et les divergences de mobilité sociale entre les hommes et les femmes : peut-on en conclure que la "réussite sociale" est plus importante (au deux sens du terme) pour eux que pour elles ? Cela constitue l’une des questions qu’il nous reste à examiner par la suite.

Notes
257.

 COUTROT Laurence & DUBAR Claude (eds) CEREQ, 1992, Cheminements professionnels et mobilités sociales, La Documentation française (page 11)