Nous empruntons les premiers éléments de cadrage au livre Tel père, tel fils qui présente tout d’abord les “effets de lignée” conduisant à une relative immobilité sociale malgré des transformations structurelles assez importantes ( 258 ). Puis, l’auteur s’intéresse aux trajectoires atypiques de "fils de cadre devenus ouvriers", et relève certaines limites des données statistiques disponibles, à partir d’un schéma représentant les cheminements professionnels d’un père et de son fils tous deux devenus cadres en cours de carrière :
Source : THÉLOT Claude op. cit. page 64
Selon les moments où est mesurée la position socioprofessionnelle des deux personnes, on risque de relever un cas de mobilité sociale ascendante ou descendante, alors que les deux parcours sont similaires.
D’autre part, l’auteur analyse les liens entre l’origine sociale, la position initiale au moment de l’insertion et la position finale pour définir ce qu’il nomme les itinéraires .Il relève en particulierle phénomène de contre-mobilité qui recouvre les flux de mobilité intra–générationnelle visant, pour compenser un déclassement au moment de l’insertion professionnelle, à retrouver le statut social de la famille d’origine par une mobilité en cours de carrière. Il en vient ainsi à définir l’effet cliquet :
‘« D’où l’existence de ce que l’on pourrait appeler, par analogie avec l’évolution des salaires, un "effet cliquet" : une famille parvenue à la position de cadre, ceci depuis assez longtemps, ne risque guère –et ne risquerait pas du tout, si cet effet cliquet était d’une efficacité absolue– de voir un de ses descendants appartenir durablement à la classe ouvrière. La position de cadre paraît largement irréversible, voire inexpugnable. » (page 68)’Notons que dans le cas inverse, c'est-à-dire une mobilité sociale initiale ascendante suivie d’une mobilité professionnelle descendante, l’auteur parle de force de rappel .
Enfin, l’auteur s’intéresse à l’étude des trajectoires individuelles . Il propose une typologie définissant cinq types de trajectoires, selon les variations de l’origine, de la position initiale et de la position finale.
Pour synthétiser cette typologie –qui fournit à la fois un cadre conceptuel et un bilan statistique national (malheureusement très antérieur à nos données d’enquête)– nous l’avons placée dans le tableau suivant :
nom | origine familiale |
position initiale |
position finale |
proportion en 1953 |
proportion en 1970 |
remarques |
ancrés | A | A | A | 44% | 29% | la lignée est stable ou immobile |
revenants | A | B | A | 7% | 11% | les contre–mobiles stricto sensu |
transfuges | A | A | B | 16% | 25% | mobilité professionnelle et sociale finale |
enracinés | A | B | B | 21% | 16% | mobilité sociale, stabilité professionnelle |
déracinés | A | B | C | 12% | 18% | mobilité professionnelle et sociale initiale |
Source : Thélot Claude, Tel père, tel fils ?, Dunod, 1982 (pp.103-104) |
Nous reprendrons ces éléments, en les confrontant aux données disponibles pour notre population d’enquête, que nous allons examiner dans la sous-section qui suit.
Thelot Claude, 1982, Tel père, tel fils ?, Dunod : « les fils de cadre qui deviennent ouvriers » pp.64-68 « cinq grands types de trajectoires » pp.103-104