Une passion envahissante

Que ce soit le théâtre, la musique ou la protection de l’environnement, certaines passions débordent de la sphère des loisirs et finissent par gagner le domaine professionnel. De manière plus ou moins graduelle, on passe d’une activité de loisir à des mises en œuvre ponctuelles dans le monde scolaire, puis à une pratique professionnelle à part entière. « Cela s’est fait insensiblement et sans que je choisisse vraiment de partir. Au début, j’ai demandé une année de disponibilité, car je ne pouvais plus tout assumer en même temps. Finalement, je ne suis jamais retourné dans ma classe et je suis resté journaliste. » (Questions ouvertes). Cette relation entre le loisir et le travail relève de ce Roger Sue appelle une relation « en extension » dans laquelle la frontière entre les deux sphères tend à disparaître ( 282 ). Notons que cet envahissement progressif de la sphère du travail par une activité issue de la sphère du loisir peut être rattaché à l’utilisation du temps de loisir. Dans une première configuration, il s’agit de restaurer ce que l’exercice du métier tend à mettre à mal, de lutter contre "la fatigue nerveuse" souvent évoquée par les instituteurs, et de tenter « d’oublier la classe quand on est à la maison ». Mais il existe une autre dynamique sociale qui relève de la compensation dans la sphère du loisir de ce que l’on ressent comme une menace dans l’image de son métier. Dans cette deuxième configuration, il s’agit, par une activité intellectuelle ou une pratique culturelle valorisée et valorisante socialement comme le théâtre, de restaurer l’image de soi et de « garder la face » de façon bien souvent implicite ( 283 ).

Notes
282.

 Sue Roger, 1988, Le loisir, PUF

283.

 Goffman Erving, 1974, Les rites d’interactions, Minuit, « Perdre la face ou faire bonne figure ? » pp.9-42