Nous avons déjà cité, dans une section précédente, cet élément de motivation qui conduit à redouter la routine pouvant naître d’un sentiment de maîtrise, dérivant vite vers la facilité (au deux sens du terme) : « J'avais besoin de changement : j'étais bien, à trois pas de chez moi, me voyant partie jusqu'à la retraite, j'ai eu très peur... » (Questions ouvertes). Ainsi, certains sont partis pour rester fidèles à leur idéal du métier et pour ne avoir à l’exercer sans implication personnelle forte, par crainte de voir s’installer un rapport trop distancié au métier, de céder à la lassitude entraînant une attitude désabusée : « Je faisais référence à mes années de début, d’engagement un peu militant vis à vis de l’école en me disant : "quand tu feras ce métier d’une manière un peu répétitive, et sans enthousiasme majeur, il sera bon d’arrêter" » (entretiens). Ce rapport distancié au métier (pour ne pas dire désenchanté) constitue souvent un repoussoir inquiétant et de nombreux répondants invoquent une sorte d’impossibilité morale à exercer le métier d’instituteur sans passion, ou du moins sans engagement personnel ( 285 ). Cette thématique de la fidélité à une conception exigeante du rôle et des fonctions est évoquée diversement, mais elle apparaît souvent liée à la maîtrise fonctionnelle des "gestes professionnels" et au sentiment de ne pas se réaliser pleinement. En somme, il s’agit de "quitter pour ne pas trahir" un métier (devenu ?) trop facile.
cf. également Soulié Charles, 1993, « Un succès compromettant » in Bourdieu Pierre (dir) La misère du monde, Seuil, pp.755-762 (« Et je me dis, le jour où j’aurai plus envie, il faut que je fasse autre chose, il faut pas que je vienne sans avoir envie » page 760)