Les destinations professionnelles relevées dans l’enquête par questionnaire

Examinons à présent une répartition plus fine des destinations professionnelles selon le genre, établie à partir des résultats de notre enquête par questionnaire :

Figure 54 : Répartition des genres dans les positions professionnelles
Figure 54 : Répartition des genres dans les positions professionnelles

Lecture : Les femmes représentent 77% des enseignants du premier degré, 50% des conseillers d’orientation ayant répondu à notre enquête par questionnaire et 28% de l’ensemble des répondants.

La proportion globale de femmes dans notre population d’enquête est proche de celle que nous avons établie par dépouillement d’archives dans le titre précédent. Si l’on s’en tient aux ordres de grandeur, on a confirmation que la proportion de femmes est inférieure au tiers parmi les mobiles, alors qu’elle est supérieure au trois quarts dans le métier d’origine (ce qui est matérialisé dans le schéma par les deux traits en pointillés).

Trois destinations professionnelles sont nettement au-dessus de la moyenne : d’une part conseiller d’orientation psychologue et détaché ou mis à disposition dans l'Éducation nationale avec la moitié de femmes parmi les mobiles, et d’autre part les destinations relevant du premier degré avec un taux de 40%. On remarque que c’est dans les destinations de l'Éducation nationale accessibles par concours que les femmes sont les plus nombreuses : conseiller d’orientation ou d’éducation, psychologue scolaire, certifié...

En revanche les positions que l’on peut faire correspondre à l’image conventionnelle de la promotion dans une entreprise sont marquées par une faible représentation des femmes, puisqu’elles représentent à peine un inspecteur ou un cadre de l'Éducation nationale sur cinq. Naturellement, on retrouve dans ces valeurs l’influence des taux de féminisation des catégories professionnelles prises dans leur ensemble, comme l’écart important entre les enseignants du secondaire (30% de femmes parmi les instituteurs mobiles) et ceux du supérieur (14% de femmes parmi les instituteurs mobiles).

Par ailleurs, on remarque que la proportion de femmes est très différente dans les deux catégories de détachement : dans les associations, les femmes ne représentent que le quart de l’effectif, alors que dans les structures relevant de l'Éducation nationale elles en constituent près de la moitié.

Notons tout d’abord que ces deux catégories se distinguent très nettement en ce qui concerne les modes de recrutement. Dans une œuvre complémentaire de l’école, les détachements sont faits sur proposition de l’organisation d’accueil qui dispose d’une entière liberté de choix. Dans les structures relevant du ministère, les modes de recrutement des détachés restent proches de la procédure de nomination au barème ( 307 ). Les postes de détaché dans une association sont liés de fait à une sorte de pré–recrutement puisque les candidats sont presque toujours choisis parmi les militants connus (et reconnus). Ce mode de sélection aboutit à des reconversions professionnelles inscrites dans une logique de trajectoire et de stratégie (ou du moins d’accès progressif et souvent préparé explicitement). Cela nous semble pouvoir expliquer, au moins partiellement, la différence de présence des femmes qui –pour des raisons sociales extérieures au métier– s’investissent (et investissent) moins que les hommes dans les structures associatives.

D’autre part, les conditions de travail –en termes d’horaires par exemple– sont plus proches de la position standard dans les postes relevant du ministère. Or des études ont montré que les institutrices étaient souvent plus sensibles que les instituteurs à des conditions de travail "compatibles avec la vie de famille" ( 308 ). Enfin, il faut sans doute envisager la notion de "distance symbolique" prenant en compte le prestige, la consécration professionnelle pour distinguer les postes dans les œuvres et les postes dans les structures relevant du ministère. Les premiers correspondent souvent à une position de responsable départemental liée à des fonctions de décision, de gestion, de négociation qui définissent un profil de poste à responsabilité, surtout centré sur la conception et le pilotage. Les seconds, quant à eux, se caractérisent par une hiérarchie administrative très présente, une définition externe des fonctions, des tâches proches du niveau d’exécution, une grande part de travail contraint. En ce sens, les détachements relevant du ministère sont moins "distants" de la position standard que ceux du domaine associatif.

On peut compléter cette distribution des fréquences des destinations professionnelles en observant les variations de statut professionnel selon le genre :

Tableau 99 : Statut professionnel après reconversion selon le genre
(en %) statut d’instituteur Éducation nationale fonction publique salariat autre
Femme 47 74 82 89 11
Homme 32 70 78 86 14
Ensemble 37 71 79 87 13
Lecture : 47% des femmes ayant répondu à notre questionnaire relèvent encore du statut d’instituteur.

On remarque que le statut d’instituteur est plus fréquent parmi les femmes que parmi les hommes dans notre enquête, et que cet écart se maintient en décroissant lorsque l’on considère les statuts de plus en plus distants de la position de départ.

On peut donc conclure, des séries de données que nous venons d’examiner, que les parcours de mobilité professionnelle des femmes sont à la fois beaucoup moins fréquents et moins "distants" que ceux des hommes.

Notes
307.

 Les affectations ordinaires sur des postes d’instituteur sont faites en commission paritaire en suivant un barème qui tient compte de l’ancienneté de service et de la note d’inspection. La note d’inspection augmentant tout au long de la carrière, le barème est très lié à l’ancienneté.

308.

 Maresca Bruno, 1995, « Enseigner dans les écoles. Enquête sur le métier d’enseignant », Éducation & Formations janv. 95 et « La représentation du métier chez les instituteurs », Éducation & Formations juin 95