II. Tirer parti d’un récit biographique, sans en occulter les limites

Prendre au sérieux ce que disent les acteurs…

Il convient de rappeler qu’au cours de notre recherche, chaque entretien s’est déroulé après la passation du questionnaire, ce qui induit une première élaboration de la part du répondant sous forme d’une réflexion préalable à l’entretien. D’autre part, les "ex-instits" sont souvent incités à raconter leur itinéraire qui intrigue leurs interlocuteurs, ce qui les conduit à expliquer et à accomplir un travail réflexif. Enfin les (ré)orientations professionnelles comportent des enjeux personnels importants, elles mobilisent une réflexion et une analyse personnelle souvent intenses. Le matériau de notre recherche est donc tout sauf "naturel" ou "spontané", il s’agit d’une production langagière provoquée par le chercheur et élaborée par le répondant qui cherche à (re)construire la signification de son itinéraire professionnel (voire de son "histoire de vie"). La personne interrogée raconte sa vie professionnelle, argumente sur ce qui s’est passé, elle "met en intrigue" sa biographie et, par là, contribue à en produire le sens. Il faut donc non seulement « prendre au sérieux ce que le sujet raconte » ( 340 ) mais aussi tenir compte de la fonction expressive du langage et prendre au sérieux l’énonciation du locuteur. Nous rejoignons en cela André D. Robert et Annick Bouillaguet qui –à propos de l’analyse des textes– affirment que « l’énonciation renseigne sur l’énoncé, c’est-à-dire le contenu, et sa prise en compte permet de dépasser le cadre purement référentiel auquel on a eu trop longtemps tendance à réduire l’étude des textes. » ( 341 ).

Notes
340.

au delà de cette formule, la présente section doit beaucoup aux interventions de Claude DUBAR et Didier DEMAZIERE au colloque « Le traitement des entretiens biographiques en sciences sociales » organisé par Langage & Travail le 22 octobre 1999 au CNAM.

341.

ROBERT André D. et BOUILLAGUET Annick, 1997, L’analyse de contenu, puf (p.68)