SECTION II – APPLICATION DU DECRET N° 2001-184 DU 28 FEVRIER 2001 AUX REGIES DES REMONTEES MECANIQUES.

Le décret N° 2001-184 du 23 février 2001, relatif aux régies chargées de l’exploitation d’un service public et modifiant la partie réglementaire du code général des collectivités territoriales, a procédé à une refonte globale du dispositif applicable aux régies. Ce texte procède d’une volonté de rationalisation du fonctionnement des régies en apportant « des changements appréciables aux règles d’organisations des régies » 57  ; rendant ainsi pour partie caduques les analyses faites antérieurement en la matière.

Les règles d’organisation administrative des régies déterminées pour les régies municipales sont étendues par l’article R. 1412-3 du CGCT , à l’ensemble des régies dépendant des établissements de coopération intercommunale, des départements, des régions et des établissements publics relevant de ces collectivités.

Le décret reprend à son compte la distinction entre régie « autonome » ( dotée de simple autonomie financière) et «  personnalisée » ( avec personnalité juridique et autonomie financière) ; et étend la faculté de recourir au mode d’exploitation en régie tant pour un service public administratif (SPA) que pour un service industriel et commercial (SPIC).

En conséquence, l’architecture générale du cadre réglementaire 58 contient :

Ce décret s’incorpore à l’architecture générale du cadre législatif relatif aux régies , à savoir :

Les dispositions réglementaires ne rigidifient pas la gestion des régies puisque le décret prévoit une faculté d’ adaptation aux conditions locales, par des dispositions relevant des statuts propres à chaque régie locale et de nature à faciliter le pouvoir d’organisation par l’autorité organisatrice .

Par ailleurs, le décret généralise la possibilité de recourir au mode en régie pour tous les domaines d’ activités des collectivités à l’exception bien sûr des services qui, par leur nature ou de par la loi , ne peuvent être assurés que par la collectivité locale elle-même  comme l’indique l’article R 1412-2 du CGCT 60  ; ce qui exclut notamment les services régaliens ( sécurité et pouvoir de police, élections, état-civil, etc..) ainsi que la gestion du domaine privé selon la jurisprudence 61 .

Enfin, le mode de gestion en régie peut être mis en œuvre par l’ensemble des collectivités publiques locales.

Le nouveau statut issu du décret du 23 février 2001 a donc vocation à s’adapter à tous secteurs d’activité et revêt de ce fait un caractère universel adapté pour le secteur des remontées mécaniques.

Selon J.C. Douence 62 , la refonte statutaire du régime juridique des régies issue du décret N° 2001-184 du 23 février 2001 est certainement de nature à favoriser l’essor de ce mode d’exploitation mais dans une proportion limitée. D’après ce dernier, le régime hydride de droit public et de droit privée de la régie ne saurait l’assimiler pleinement à une entreprise privée et freinerait son essor en cantonnant son développement à des secteurs moins enclin à la concurrence et à ce titre, il cite : l’eau, l’assainissement et les déchets.

Toutefois, rien ne permet d’affirmer objectivement que ces trois secteurs seraient actuellement moins exposés à la concurrence que par le passé 63  ; et que cette situation favoriserait en outre le développement du mode de gestion en régie.

Le regain d’intérêt pour l’exploitation en régie dans ces trois secteurs trouve en réalité son explication ailleurs .

L’opportunité de recourir à ce mode de gestion résulte pour partie des modifications de structures intervenues dans le paysage administratif et organisationnel des collectivités locales françaises par le développement de l’intercommunalité consécutive à la loi dite « Chevènement » du 12 juillet 1999. En effet, l’organisation des services publics locaux en France a été profondément modifiée de sorte que ceux-ci sont désormais gérés majoritairement par des structures intercommunales comme l’a mis en évidence une étude récente réalisée par l’association des maires des grandes villes de France 64 .

Même si actuellement , les services publics intercommunaux continuent d’être dominés par la gestion déléguée du fait du transfert des conventions passées initialement par les communes, il n’en demeure pas moins que ces nouvelles entités acquièrent enfin une taille critique leur permettant désormais d’assurer éventuellement une gestion en régie en ayant l’assise financière suffisante pour procéder aux investissements nécessaires  ainsi que les effectifs satisfaisants pour exploiter dans des conditions techniques comparable au service délégué; ce qui explique le retour partiellement constaté à ce mode de gestion en particulier dans les 3 secteurs précités.

Dans ces conditions, le choix de gestion pour les groupements intercommunaux se résume entre exploitation par une entreprise privée (le plus souvent selon le mode de l’affermage soumis à la loi « Sapin » ou du marché public de prestations de service) ou la régie.

Dans cette nouvelle donne économique, la régie retrouve son caractère compétitif comme l’a mis en avant une étude de la DGCCRF du 27/11/2001 relative au coût de l’eau pour l’usager, où la facturation moyenne au plan national selon le mode de gestion en régie est plus compétitive que celle résultant des services délégués 65 .

Le concept d’exploitation en régies n’est pas antinomique avec la notion de performance économique .

L’essor de l’intercommunalité affecte également le domaine du tourisme 66  ; et ne coïncide d’ailleurs pas forcément avec le territoire communautaire au sens strict pour tendre parfois vers la notion de « Pays » selon les résultats d’une enquête récente 67 .

Ainsi, en 2003, plus de 60% des établissements publics de coopération intercommunale (EPIC) ont pris la compétence facultative du tourisme. Cette compétence n’englobe pas nécessairement la gestion du domaine skiable pour les stations de ski concernées, mais revêt le plus souvent la forme d’un office de tourisme communautaire permettant une promotion plus efficace sur un territoire élargi et une politique globale d’aménagement s’insérant dans une logique de marché et de produits prélude à une coopération pouvant être ultérieurement renforcée en matière d’exploitation des remontées mécaniques.

C’est ainsi , par exemple, que 10 communes du Puy-de-Dôme ont pris en compte la notion de « Massif » . Elles ont décidé de fusionner 3 organismes de coopération intercommunale au 1er janvier 2000 par la création d’une seule communauté de communes du Sancy 68 avec la création d’un office de tourisme communautaire remplaçant 3 offices municipaux de tourisme et 5 syndicats d’initiative.

De même, le Conseil Général du Haut Rhin s’est fortement impliqué au cours de l’année 2003 dans la restructuration des stations de ski de son département en participant à la création de 4 syndicats mixtes, correspondant à 4 sites classés d’intérêt départemental avec les communautés de commune concernées 69 . Chaque Syndicat Mixte détient les compétences en ski et d’aménagement sur le site, afin de gérer entièrement le projet touristique.

Si en l’espèce l’exploitation de ces sites relève de la gestion déléguée, il y a lieu de souligner que l’intervention départementale se fonde sur une philosophie d’aménagement du territoire et de loisirs en considérant que : « Les pistes de ski sont des équipements de loisirs au même titre qu’une piscine ou des pistes cyclables »   70 .

La logique du territoire 71 est au cœur des préoccupation du rapport parlementaire en date du 16 octobre 2002, sur l’avenir de la montagne élaboré sous la présidence du député J.P Amoudry et faisant le point sur la loi « Montagne » du 9 janvier 1985.

Cette nouvelle donne en matière d’aménagement du territoire, constitue , sans doute , un facteur de développement du mode de gestion en régie.

Notes
57.

J.C Douence «  Commentaire du décret du 23/02/2001 », AJDA 2001.P376

58.

Circulaire d’application N°NOR INTBO100084C du 5/03/2001

59.

Il convient d’ajouter les références des articles R 1412-1 à R 1412-4

60.

CGCT( Code Général des Collectivités Territoriales)

61.

T.C 28/11/1975 , ONF c/Abamotte , confère CRC Rhônes Alpes 10/07/2000 St Bon Courchevel

62.

article précité. AJDA 2001. p 376.

63.

L’enquête précitée sur l’évolution des prix de l’eau 1995/2000, publiée par la DGCCRF le 27/11/2001, tendrait à prouver le contraire

64.

in AJDA 12 avril 2004 , p745

65.

« Enquête sur l’évolution des prix de l’eau 1995/2000 ». Ministère de l’Economie , DGCCRF-27/11/2001.

66.

Colloque « tourisme et Territoires » organisé par le département de la Moselle à Amnéville-lès-Thermes, le 6 mai 2003 in « Bulletin des élus locaux » N° 186 –Avril 2003

67.

En ce sens, article « le développement touristique passe-t-il par l’intercommunalité ? » , in la Gazettes des communes, des départements et des régions du 14 avril 2003.p 38 et s.

68.

article précité de la Gazettes des C-D - R du 14/04/2003 : « La communauté de communes du Sancy créée le 1 er janvier 2000, regroupe dix communes ( 8 700 habitants) dont deux stations de sports d’hiver ( Super Besse, Le Mont-Dore) et deux villes thermales (La Bourboule, Le Mont-Dore) .Le territoire communautaire compte 35 000 lits touristiques ( hors résidences secondaires).

La communauté de communes, fondée sur l’activité touristique du territoire, a pour principal objectif de réaliser des équipements structurants que chaque commune ne pourrait pas porter individuellement. »

69.

Isabelle Frimat, « Un manteau neuf pour les communes stations du Haut Rhin », Gazette des C-D-R, 7 Avril 2003. page 27.

70.

.J.M.Muller , responsable de la cellule montagne au département du Haut-Rhin in article précité de la Gazette des C-D-R du 7/04/2003.

71.

M. P.Martin , Directeur du SEATM dans le journal du Sénat d’avril 2003 à propos du rapport sur l’avenir de la montagne : « Chaque territoire doit développer une offre touristique qui soit adaptée à son savoir-faire, originale et rentable ».