Section I – Un instrument juridique souple répondant aux objectifs économiques de la collectivité publique

§1. Une pleine autonomie de gestion avec la Régie Personnalisée

A) Une gestion décentralisée :
‘« C’est un établissement public local qui dispose d’une entière autonomie par rapport à la collectivité ou à l’établissement qui l’a créée » 380 .’

Confier l’activité économique d’intérêt général  d’exploiter des remontées mécaniques à une structure juridique dotée de la personnalité juridique et de l’autonomie financière, soit une régie personnalisée sous forme d’établissement public, relève des moyens modernes de gestion de l’administration.

On évolue ainsi d’un contrôle à priori de gestion dans le cas d’une régie autonome dotée de la seule autonomie financière, à un contrôle à posteriori dans la situation d’une régie personnalisée.

L’indépendance de gestion donnée à cette structure s’inscrit dans un objectif de performance en responsabilisant les acteurs : 

‘« Il s’agit en effet pour beaucoup d’acteurs locaux d’une technique capable de concilier les atouts de la gestion en régie tout en réunissant les avantages d’une distinction institutionnelle, gage de souplesse » 381 .’

De plus, pour atteindre l’adéquation entre les objectifs et les moyens, la passation éventuelle d’un contrat de gestion entre la collectivité mère et sa régie constitue un instrument de régulation pouvant contribuer à cet objectif d’ efficience. Comme l’indique Anne Durmaux 382  , le contrat de gestion parce qu’il détermine les missions imposées (offre attendue) et les conditions de leur financement (tarif et subvention de compensation) fixe le cadre externe de la rentabilité de l’entreprise publique.

C’est ainsi que dans son Rapport 2001 consacré aux stations de ski des Alpes du Sud, la Cour des Comptes préconise le recours à cette mesure de gestion. Il est étonnant de relever que dans leur réponse conjointe 383 , le Ministère de l’Equipement et le Secrétariat au Tourisme écartent toute idée de contractualisation de gestion avec les régies restant sur une position strictement juridique, et préférant le recours au cahier des charges prévu par le décret du 29 Octobre 1980.

Comme démontré précédemment , ledit décret du 29 Octobre 1980 a été abrogé et donc l’exigence de ce cahier des charges sur ce fondement juridique n’a plus lieu d’être.

Plus fondamentalement, même si le cahier des charges du décret de 1980 était un acte unilatéral 384 , il n’en constituait pas moins un embryon de régulation des relations entre la Collectivité mère et sa régie. Le Décret du 23 Février 2001 - dernier en date relatif aux régies n’impose aucune prescription en matière de cahier des charges laissant ainsi plus de liberté contractuelle aux collectivités locales et à leurs régies.

Par exemple, la Régie personnalisée dénommée « Autonome » des remontées mécaniques de Montgenèvre est liée à sa collectivité de rattachement par un cahier des charges annexé à ses statuts. L’objet de ce document est de fixer précisément : « les obligations de l’exploitant à l’égard de l’autorité organisatrice, des usagers et des tiers » ainsi que «  les conditions d’exploitation et de construction de tout appareil de remontée mécanique ». Ce document est très semblable à un cahier des charges d’une délégation de service public puisqu’il traite :

  • des biens (ceux mis à disposition et ceux acquis postérieurs)
  • des conditions particulières d’exploitation du matériel et de l’entretien des pistes ainsi que de l’organisation des secours ;
  • des conditions générales de fonctionnement du service durant la saison hivernale et de la tarification,
  • des conditions générales d’emploi des personnels et des relations avec les usagers.

Ce contrat de gestion peut être assorti d’un plan annuel d’entreprise par lequel la régie se fixe des objectifs pour atteindre les missions confiées 385 .

Le Conseil économique est social recommande d’ailleurs vivement une gestion contractualisée entre une collectivité publique et sa régie pour promouvoir une démarche de progrès pour les services publics exploités en régie 386 .

La pleine autonomie de la Régie personnalisée est affirmée par l’article R.2221-18 du CGCT qui lui confère une large compétence d’attribution 387 comparable aux pouvoirs d’un Conseil Municipal.

La collectivité de rattachement ne conserve que deux pouvoirs à l’égard d’une régie personnalisée : celui de mettre fin à son existence attestant ainsi un pouvoir d’organisation générale du service 388  ; et celui d’agréer préalablement la candidature du Directeur manifestant ainsi un pouvoir marginal de tutelle. 389

Cependant les préjugés professionnels à l’égard de la régie personnalisée sont tenaces. C’est ainsi qu’un ouvrage édité par Dexia, avec le concours de la Fédération des Maires des Villes Moyennes, décrit les inconvénients de ce mode de gestion  en ces termes:

‘« Malgré son autonomie, la régie personnalisée reste d’une grande lourdeur administrative. Les inconvénients exposés ci-dessus pour les autres formes de régie sont les mêmes pour l’essentiel » 390 . ’

Le renvoi aux inconvénients sont ceux de la Régie Autonome à savoir : 

‘« - Régie marquée par une assez grande complexité du fait de l’intervention de 4 organes différents (2 délibérants et 2 consultatifs ) ;’ ‘– rigidité de la comptabilité publique ;’ ‘– lourdeur « du statut du personnel » 391 . ’

En ce qui concerne le 1er argument , c’est totalement inexact d’affirmer que le fonctionnement de la Régie Personnalisée est identique à celui d’une Régie Autonome. C’est en effet un établissement public avec une pleine autonomie de gestion à tel point que l’article R. 2221-38 du CGCT confère au Conseil d’Administration compétence pour fixer le taux des redevances dues par les usagers 392 .

Cette liberté tarifaire n’existe pas pour la régie autonome ni même en cas de gestion déléguée, que ce soit une SEM locale ou une entreprise privée selon la jurisprudence 393 .

Pour ce qui concerne les 2 autres critiques , elles sont également infondées comme cela sera démontré au cours de la présente étude.

La réalité, c’est que : « la Régie personnalisée est administrée par un Conseil d’Administration et un directeur. Le Conseil Municipal et le Maire n’interviennent dans l’administration de la Régie qu’indirectement par leur présence au sein du conseil d’administration » 394 . Cette analyse est partagée par J.C Douence 395 .

Ce centre de responsabilités que constitue la régie personnalisée, présente les mêmes avantages structurels qu’une SEM à savoir : la séparation des fonctions entre autorité organisatrice et opérateur en raison d’une personnalité juridique distincte de la collectivité de rattachement ; et la dissociation entre contribuable et usager du service.

Notes
380.

Instruction N° 01-049-MO du 17 Mai 2001, .Art : 2.1

381.

Catherine Ribot et Jean-Christophe Videlin : « Les modes de gestion publique du service public culturel » , AJDA 2000 p. 136. NB : Cette remarque faite à propos des régies dans le secteur culturel est extrapolable à l’ensemble des domaines d’intervention des régies personnalisées.

382.

Ouvrage précité PEDONE – p. 51 : « Un des points essentiels de la réforme réside dans l’introduction d’un nouvel instrument juridique de contrôle, le contrat de gestion qui définit les missions de service public et leurs modalités d’exécution, en particulier les principes gouvernant les tarifs, la conduite par rapport aux usagers, l’évaluation des subventions à charge du budget de l’Etat et les indemnités éventuelles à verser par l’entreprise publique. C’est donc au niveau du contrat de gestion que sont normalement définis les finalités et objectifs du système (efficacité macro-économique par rapport aux objectifs de politique économique tels que la stabilité des prix, le contrôle du déficit public..) cela signifie que ce document, parce qu’il précise les missions imposées (offre attendue) et les conditions de leur financement (tarif et subvention de compensation) fixe le cadre externe de la rentabilité ».

383.

Rapport précité p 832 : « La Cour des comptes relève l’opacité des relations des collectivités territoriales avec les régies et semble inciter, en conséquence, à la conclusion de conventions de afin de préciser les engagements réciproques entre l’autorité organisatrice et sa régie.

Je souhaite souligner que contrairement à l’idée parfois évoquée, notamment en région Provence-Alpes-Cotes d’Azur, la passation de conventions entre l’autorité organisatrice et sa régie n’est pas souhaitable et que, dans le cadre d’une exploitation en régie EPIC, le cahier des charges prévu par le décret du 29 octobre 1980 précité m’apparaît nettement préférable ».

384.

Anne Durmaux ouvrage précité édition Pedone p. 57 : « Définir le cahier des charges d’une entreprise privatisée pour ses missions de service public est – il moins complexe que la négociation d’un contrat de gestion ?

Commençons par dire que dans les deux cas, le problème sera celui des asymétries d’information. La stratégie de l’organe de réglementation sera de se renforcer en imposant la transparence du contrôle tandis que la stratégie de l’entreprise sera de protéger son autonomie à travers le développement d’une expertise de gestion non transmise. Des analyses récentes montrent que l’asymétrie d’information entre le régulateur public et la firme régulée (publique ou privée) conduit à une détérioration de l’efficience économique par l’affaiblissement de l’efficience de la régulation. Il est notoire que la privatisation de British Telecom a nécessité une réforme du système de réglementation : en particulier la créativité d’OFTEL et son dynamisme souvent mentionné sont évidemment une tentative de réponse au coût informationnel ».

385.

Anne Durmaux – ouvrage précité édition Pedone p. 51 : «D’autre part, la loi prévoit que l’entreprise autonome établisse annuellement un plan d’entreprise dont seuls les éléments relatifs aux missions de service public doivent être approuvés. Le plan d’entreprise annuel est un instrument stratégique au niveau de l’entreprise. Le contrat de gestion ne reprend les éléments de ce plan que dans la mesure où ils concernent les missions de service public. Le plan constitue donc par excellence le document par lequel l‘entreprise se fixe des objectifs à elle même. Pour reprendre des distinctions usitées en gestion, il s’agit d’un instrument de pilotage de l’efficience et de l’efficacité micro-économique (adéquation à des objectifs propres à l’entreprise, par exemple qualité et fiabilité du service) » .

386.

in Avis du Conseil économique et social du 24 avril 2001 : La maîtrise des services publics urbains organisés en réseaux, MTP du 11/10/2002 p 45 et s : « La négociation et la conclusion de véritables contrats d’objectifs pluriannuels entre l’autorité organisatrice et la régie autonome ( a fortiori la régie personnalisée) de manière à mieux expliciter les objectifs à atteindre et à pouvoir mieux contrôler les résultats » .

387.

« Le Conseil d’Administration délibère sur toutes questions intéressant le fonctionnement de la régie ».

388.

A. Delion ouvrage précité p30 « La personnalité conférée aux entreprises publiques n’est que le support de la délégation donnée aux dirigeants de l’entreprise pour la gérer selon les exigences de droit et de fait du milieu ou elle vit » :

389.

Le pouvoir de tutelle se définit habituellement comme celui d’approbation.

390.

« Services publics locaux : gestion directe ou déléguée ? » Edition DEXIA 1996, p.30 .

391.

ouvrage précité « Services publics locaux : gestion directe ou déléguée ? » p. 27.

392.

«  les taux des redevances dues par les usagers de la Régie sont fixés par le Conseil d’Administration  ».

393.

CAA Lyon 20 mai 1999, SA Comalait Industries, AJDA 1999 p 945 : « Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article L 121-26 du code des communes alors applicable : le conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de la commune ; qu’il résulte de ces dispositions qu’il appartient qu’au conseil municipal d’établir le tarif d’un service public communal ; que lorsqu’un service public communal a fait l’objet d’une délégation de service public, la détermination du prix du service ou du montant de la redevance ne peut être laissée à la discrétion du concessionnaire ».

394.

« choisir le mode de gestion d’un service public - services publics locaux ». Etudes et documents , Cahier détaché N° 3 du 4 Février 2002 la Gazette des C-D-R. p. 286.

395.

in encyclopédie Dalloz Collectivités locales  Fasc 62201 : « Les régies locales » Rub.N°126 : «  la combinaison de ces dispositions fait que les autorités municipales sont totalement écartées de l’exercice des compétences propres de la régie mais conservent une maîtrise organique complète sur le conseil d’administration » .