Section IV – Un mode de gestion victime d’une réputation injustifiée

§1.- Une réputation de lourdeur administrative héritée de son organisation structurelle passée

Le statut de la Régie depuis les décrets fondateurs de 1926 et 1930 , a été conçu dès l’origine par la République centralisatrice « comme un moyen d’affaiblir l’emprise des communes sur leurs services et donc de limiter les effets de la décentralisation. Le décret de 1930, comme bien d’autres de la même époque , exprime une véritable politique de détachement des services vis à vis de la collectivité qui en a théoriquement la charge » 446 .

La soustraction de l’emprise du service industriel et commercial géré en régie à sa collectivité de rattachement, se manifestait d’abord par l’exercice du pouvoir de nomination des membres du conseil d’administration ou du conseil d’exploitation. Il faudra attendre le décret N°88-621 du 6 mai 1988 ( soit seulement une quinzaine d’année en arrière) pour conférer au maire le pouvoir de désignation de la totalité de ses membres et sans restriction aucune. Antérieurement, un quart des membres était désigné directement par le Préfet, et les autres par le Maire mais avec l’agrément préalable de l’autorité préfectorale ce qui restreignait fortement sa liberté d’action.

La restriction du rôle des élus résidait également dans l’encadrement de leur participation au sein du conseil d’administration ou du conseil d’exploitation où leur présence était limitée au tiers des membres . C’est une révolution du décret du 21 février 2001 que d’avoir supprimé cette limitation en posant le principe contraire, soit une représentation majoritaire des élus locaux. Cette disposition nouvelle renforce la maîtrise organique de la collectivité « mère » sur sa régie et donc garantit la prise en compte de l’intérêt général.

C’est l’article 21 de la loi du 2 Mars 1982, relative aux droits et libertés des communes, départements et des régions, qui supprime le principe de la tutelle et donc de l’approbation préalable par le préfet des actes des collectivités territoriales et de leurs établissements apportant ainsi plus de souplesse dans la gestion des affaires locales.

C’est également le décret du 6 mai 1988 qui supprime l’obligation d’une enquête publique préalable à la création d’une régie non expressément prévue par une loi et confère à la collectivité locale le pouvoir de nomination du directeur de la régie. Antérieurement , le directeur de la régie personnalisée était nommé par le préfet et celui de la régie autonome par le maire sur agrément de l’autorité préfectorale.

Il est à noter que la tutelle antérieure sur les régies constituait une distorsion entre les différents modes de gestion des services publics locaux et portait atteinte de ce fait au principe de libre administration des collectivités territoriales 447 .

L’article 39 de la loi N92-3 du 3 janvier 1992 sur l’eau, affirme le rôle prédominant joué par la collectivité qui a créé la régie . C’est ainsi qu’il revient à l’assemblée délibérante de la collectivité de rattachement de fixer les statuts de la régie.

C’est la loi N°99-586 du 12 juillet 1999 qui autorise l’ensemble des collectivités publiques locales a recourir à la régie . Antérieurement, seuls les départements ainsi que les communes et leurs syndicats 448 pouvaient créer des régies limitant ainsi considérablement le recours à ce mode d’exploitation .

Au vu de cet historique du statut de la régie, c’est seulement depuis peu de temps et de façon graduelle que celui-ci a connu une évolution notable pour en faire un instrument de gestion réellement au service des élus locaux . Dans ces conditions, l’intérêt de la régie « nouvelle façon » nécessite d’être porté à la connaissance des élus locaux pour être mieux connu.

Notes
446.

J.C Douence « Les services publics locaux » rub N°64 in « Régies locales ». Encyclopédie Dalloz Collectivités Locales. A l’appui de son exposé, l’auteur cite le texte suivant : « Pour les services locaux, il importe avant tout de les soustraire à l’action des assemblées locales, trop proches de l’électeur. A cet égard la création de régies indépendants apparaît fort utile…  (Maspétiol et Laroque, la tutelle administrative, Sirey 1930 p343) ».

447.

Georges Frankart « Services publics locaux : le bilan des récentes évolutions » ? AJDA N° 11 -1990, p758 : « En particulier, la création d’une régie nécessitait le recours à une enquête publique diligentée par le préfet et une partie des membres du conseil d’exploitation ou du conseil d’administration était nommée par le préfet.

Cette rigidité de la réglementation relative aux régies était un élément de distorsion entre les différents modes de gestion des services publics locaux et portait aussi indirectement atteinte à la liberté de choix des collectivités locales pour l’exploitation de leurs services industriels et commerciaux ; elle constituait par ailleurs un obstacle à l’efficacité de la gestion du service ».

448.

C.E Avis Sect. Intérieur 1er octobre 1996, N°359409, in Rapport Public 1996 N°48 p 305.