§ 3. Les assouplissements des contraintes de la comptabilité publique.

En tant que commerçant public, la Régie d’exploitation des Remontées mécaniques effectue des transactions commerciales.

Pour remédier à la séparation de l’ordonnateur et du comptable dans ce qu’elle a de rigide au quotidien, la comptabilité publique autorise la création de régies de recettes et de dépenses.

Il s’agit de déconcentrer l’encaissement des recettes et le règlement des dépenses préalablement à l’émission du titre de recettes ou du mandatement de la dépense. L’agent investi de la fonction de « Régisseur » exerce sous le contrôle du comptable du Trésor.

Par ailleurs, les Régies exploitant des SPIC locaux ont la possibilité de placer leurs fonds de trésorerie en bons du trésor pour en assurer une rémunération.

Pour la gestion des SPIC locaux en Régie personnalisée ou autonome et en application respectivement des articles R. 2221-51 et R. 2221-93 du CGCT, le compte financier se substitue à la fois au compte administratif de l’ordonnateur et au compte de gestion du comptable public 594 .

La séparation « ordonnateur – comptable » peut être aménagée dans la mesure où une Régie au lieu de recourir au comptable direct du Trésor, a la possibilité de faire le choix de s’attacher les services d’un agent comptable spécial. Celui-ci est nommé par le Préfet sur proposition du Conseil d’Administration pour une Régie Personnalisée et après avis du Trésorier Payeur Général 595 .

Une Régie autonome peut également recourir à un agent comptable spécial si ses recettes annuelles excèdent 75.000 Euros 596 . En ce cas, celui-ci est nommé par délibération de l’assemblée délibérante de la collectivité de rattachement, après avis à la fois du Conseil d’Exploitation et du Trésorier Payeur Général.

L’agent comptable spécialisé est à la fois le « comptable public » la Régie mais aussi le « chef du service de la comptabilité » de l’ordonnateur, ce qui le place sous la dépendance du Directeur de la Régie pour cette partie de ses fonctions.

Cette modalité d’organisation comptable présente l’avantage de rapprocher du centre de commandement de l’entreprise publique, la gestion comptable et financière afin de faciliter l’utilisation des procédures en usage dans le commerce en ce qui concerne les recouvrements et les paiements 597 .

Cependant, si le recours à un agent comptable spécial facilite les relations quotidiennes de travail en regroupant au sein de la même structure l’ordonnateur et le comptable, elle modifie néanmoins profondément l’application du principe de la séparation entre ordonnateur et comptable.

L’Agent du Trésor relève d’une autre Administration de la Régie, ce qui contribue à asseoir son indépendance dans les faits tandis que l’agent comptable spécial est le plus souvent employé de la Régie par un contrat de travail. Sa qualité de salarié fragilise dans la réalité son indépendance théorique en qualité de comptable public.

Il en va de même lorsque la Régie rémunère un expert – comptable en qualité d’agent comptable spécial.

Le recours à un agent comptable spécial porte en soi les risques de ne pas tenir une comptabilité aussi rigoureuse que si celle-ci avait été dressée par un agent du Trésor 598 . Or, l’agent comptable spécial est soumis sous sa responsabilité personnelle et pécuniaire, à l’ensemble des obligations qui incombent aux comptables publics 599 .

C’est ainsi que le Conseil d’Etat par un arrêt du 27 Octobre 2000 600 a confirmé la condamnation prononcée par la Cour des Comptes envers l’agent comptable spécial de la Régie des remontées mécaniques de Saint Chaffrey (05) , le déclarant débiteur des sommes de 1 296 250 F et 400 833 F .

Dans l’éventualité où une Régie ne recourt pas au service du comptable direct du Trésor, elle ne peut pas confier la tenue de la comptabilité publique à un prestataire de service (Cabinet Comptable) qui n’ait pas préalablement prêté serment en qualité d’agent public spécial 601 . Incidemment, les Chambres Régionales des Comptes relèvent le coût beaucoup plus onéreux du recours à un comptable spécial au lieu et place du comptable du Trésor 602 .

Notes
594.

CRC Aquitaine 14 septembre 1998, EPSA-IZESTE : « Or, à l’EPSA, comme dans toutes les Régies dotées de la personnalité morale et de l’autonomie financière, il n’existe pas de compte de l’ordonnateur, distinct du comptable. Le seul compte qui ait une existence légale est le compte financier établi par les comptables, en vertu de l’article R. 323.66 du Code des Communes, ce que confirme l’article 17 du règlement intérieur de l’EPSA » .

595.

Art. R. 2221-30 du CGCT.

596.

Art . R.2221-76 du CGCT.

597.

en ce sens, A. Delion in : « Service public et comptabilité publique », AJDA 1997, p69.

598.

CRC Aquitaine EPSA – Izeste – 14/09/1998 : « La Chambre a ainsi constaté qu’a été mise en place à l’EPSA une comptabilité non conforme à l’ensemble des principes fondamentaux de la comptabilité générale (universalité, sincérité, prudence) et de la comptabilité publique (séparation de l’ordonnateur et du comptable, spécialité, annualité et équilibre réel). Ces pratiques ont été mises en œuvre sous la responsabilité d’un comptable qui, en sa qualité d’expert comptable ayant en outre, prêté le serment du comptable public devant la Chambre Régionale des Comptes alors qu’il prenait ses fonctions, ne pouvait méconnaître ces principes » .

599.

Art. R. 2221-31 et R.2221-76 du CGCT.

600.

J.M. Desvigne, Req N° 196046 publié au Lebon.

601.

CRC – Rhône Alpes – Commune de Gresse en Vercors – Régie des R.M. 26/06/2000 :

« S’agissant d’un organisme public, la tenue de sa comptabilité ne peut être que de la responsabilité d’un comptable public. Pour le reste, il appartient à la collectivité d’apprécier ce bien –fondé de l’intervention d’un prestataire de service » .

602.

C.R.C. Aquitaine EPSA - IZESTE 14/09/1998 : «  Cette somme, qui paraît, au demeurant, conforme aux usages de la profession d’expert comptable, apparaît très supérieure à l’indemnité que l’établissement public aurait eu à verser si la fonction de comptable spécial avait été confiée à un agent du Trésor ».