1. Les raisons et l’objectif de la thèse:

A titre personnel, en ma qualité de directeur général des services d’une Mairie, l’exploitation des services publics locaux d’une manière générale rejoint mes préoccupations professionnelles et plus particulièrement, l’exploitation des remontées mécaniques eu égard à mes fonction présentes et passées.

De plus   le thème particulier de la « régie comme mode d’exploitation des remontées mécaniques » outre les raisons sus-évoquées, présente la particularité d’être un mode de gestion largement répandu en France dans ce secteur économique tout en étant en régression avec toutefois quelques réussites isolées ( Courchevel SPTV, Les Saisies, Tourmalet, Montgenèvre, etc..). Il convenait donc de comprendre ces disparités qui ne manquent pas d’interroger un acteur de la gestion des remontées mécaniques.

Enfin, ce mode d’exploitation constitue une singularité au niveau des remontées mécaniques en Europe rendant son étude encore plus intéressante.

Dans ce contexte professionnel, l’objectif de la thèse est de démontrer que l’exploitation des remontées mécaniques selon la formule de la régie constitue un mode de gestion potentiellement aussi performant que celui de la gestion déléguée ; et donc une alternative économique viable.

Comme le faisait observer Jacques VIGUIER dans sa thèse de doctorat soutenu en 1989, les raisons du rejet du recours au mode d’exploitation le plus souvent mises en avant et les plus pertinentes ont trait à son incapacité économique intrinsèque à « gérer les services d’une collectivité locale dans ces conditions identiques à celles en usage pour les entreprises » 759 .

Mais cette analyse n’est plus exacte de nos jours principalement du fait de la refonte de l’organisation administrative de la régie découlant du décret du 23 février 2001, et subsidiairement des réformes à la fois de la comptabilité publique ( M43 s’apparentant à la comptabilité commerciale ) et du nouveau Code des marchés publics tendant à une simplification des procédures des achats publics .

C’est pourquoi la Seconde partie de notre thèse ( La réalisation du choix de la régie) tend à démontrer, au travers de l’étude du Fonctionnement des régies de remontées mécaniques, lacapacité économique de la « régie nouvelle formule » tant en terme de gouvernance d’entreprise ( Titre I ) que de gestion d’entreprise ( Titre II).

C’est ainsi que , contrairement aux conclusions qui pouvaient être tenues dans le passé, l’étude du fonctionnement de la « régie nouvelle formule » conforte au second niveau « les facteurs du choix du recours » à ce mode d’exploitation ( 1ère Partie) fondés essentiellement sur des raisons juridiques.

Certains trouveront sans doute que l’étude comparative de la délégation de service est trop critique . A ceux-ci , nous répondrons que la présente étude fait une distinction parmi les opérateurs privés intervenant dans la gestion déléguée des remontées mécaniques  entre l’opérateur de 1er rang  c’est à dire la Compagnie des Alpes , et les opérateurs ordinaires ( de 2ème et 3ème rangs).

L’opérateur de 1er rangse distinguait à l’origine par une différenciationde mentalité qui trouvait son fondement dans son capital avec la présence majoritaire de la Caisse des Dépôts et Consignations 760  ; et se caractérisait par la prise en compte des intérêts nationaux et donc de l’intérêt général y compris avec sa déclinaison locale.

En effet, il s’agissait initialement du développement du tourisme français à l’échelle européenne et mondiale en réponse à une volonté politique de l’Etat à partir des années 60 et suivantes.

Il est à noter que notre thèse ne contient aucune critique particulière à l’égard de cet exploitant dont la qualité de gestion est largement reconnue mais fait au contraire ressortir son particularisme par rapport aux autres exploitants.

Elle prend seulement en compte l’évolution en cours de la Compagnie des Alpes  du fait du retrait engagé de la Caisse des Dépôts et Consignations au profit des fonds de pensions .Cette transformation du capital porte en soit le germe d’un changement de mentalité dans la gestion déléguée comme le redoute les autorités organisatrices 761  ; et les prive à terme de leur pouvoir politique indirect sur la Compagnie des Alpes  par le biais de leurs interventions politiques au plus haut de l’Etat comme cela se pratiquait jusqu’à présent.

De plus, la jurisprudence administrative fragilise le pouvoir des autorités organisatrices en atténuant le concept de « l’intuitu personnae » ( modification substantielle du capital, changement de cocontractant, procédure très encadrée de dévolution) 762  ; et fait prévaloir l’intérêt économique éventuel du holding sur celui des filiales 763 .

La différence de mentalités dans la gestion entre l’opérateur de 1er rang et ceux ordinaires apparaît dans l’expérience malheureuse de Flaine avant sa reprise par la Compagnie des Alpes 764 . En effet, les opérateurs ordinaires sont mus essentiellement par une vision commerciale étrangère à la notion d’intérêt général.

C’est d’ailleurs pour cela que le concept de SEML 765 a été inventé pour pallier à ce déficit d’intérêt général dans la gestion des services publics locaux ; mais avec des résultats mitigés En effet, le mode d’exploitation en SEM locale , comme formule intermédiaire entre régie et gestion déléguée, apparaît bien imparfait et « marque le pas » comme le constate J.C. Douence 766 .

C’est ainsi que le décret N° 2001-184 du 23 février 2001, relatif aux régies chargées de l’exploitation d’un service public, est paru dans un contexte favorable au recours à ce mode d’exploitation et justifie en conséquence, qu’une recherche aux fins de thèse soit entreprise à ce sujet et plus particulièrement dans le secteur des remontées mécaniques qui nous préoccupe.

Notes
759.

« Les régies des collectivités locales », ECONOMICA 1992, p.239

760.

Cf p. 114

761.

Cf p. 113

762.

Cf p 110 et s

763.

Cf p 112

764.

Cf p 113

765.

Société d’économie mixte locale

766.

In « Services publics industriels et commerciaux : questions actuelles », op. cité p126.