CHAPITRE DEUXIEME 
NATURE, SOCIETE, EDUCATION CHEZ FREINET

« Tel sera l’éducateur de demain, connaissant sa machine – en l’occurrence l’enfant – non seulement parce qu’il serait en mesure d’en décomposer théoriquement et d’en nommer les aptitudes et les mouvements, mais parce qu’il la sentirait vivre et qu’il serait soulagé, apaisé lorsque le jeune organisme fonctionnerait à la perfection, sans heurts suspects, avec un roulement doux et un rendement maximum. Il décèlerait d’emblée les frictions anormales, les impuissances accidentelles, les ratés et les échecs. Il serait à l’écoute attentive du battement de la vie pour distinguer, à travers la complexité des cliquetis, l’origine réelle – et matérielle – de la panne qui se prépare. C’est cette intuition de l’évolution dynamique de l’organisme que je voudrais donner en faisant sentir l’être en action dans le processus de vie qui fait sa puissance et sa grandeur. Si, par nos efforts, nous parvenons à posséder cette compréhension originelle, nous aurons comme un fil d’Ariane qui nous permettra en toutes occasions de mieux comprendre le comportement des enfants et des hommes, et donc de réagir plus sainement en évitant du moins des erreurs parfois irréparables qui entravent la montée ardente de l’être » 38 .

Freinet propose ici de comprendre l’enfant, d’analyser ses attitudes et comportements, de saisir sa nature. Il s'agit également de comprendre ce qui peut le différencier de l’autre, ce qui justifie une approche différenciée de la pratique pédagogique. Mais Freinet nourrit dans le même temps un projet fort de socialisation,qui va lui-même induire une pensée et une pratique pédagogique nouvelles. Il va en effet réinvestir les pensées des précurseurs de la pédagogie moderne, à savoir comprendre et prendre en compte la nature de l’enfant qui est première, pour développer une ‘ « éducation naturelle  ’» qui accomplisse dans le même temps la dimension sociale de l'homme.

Notes
38.

- FREINET. C., Œuvres Pédagogiques, Essai de psychologie sensible, Tome 1, Editions du Seuil, Paris, 1994, p. 330.