1 – Un code pédagogique et social

Les invariants pédagogiques de Freinet sont portés par une visée de socialisation qui se décline à travers un ensemble de concepts pédagogiques.

La place à accorder à la nature semble très importante pour Freinet dans une pratique socialisante quotidienne de la classe .

« La nature est la première école de l’Enfant et il importe de la respecter, de l’aider comme il faut aider et respecter la nature de l’enfant (…) C’est activement qu’il convient d’agir, de réagir. De concilier la nature environnante et la nature environnée » 76 .

Le maître, l’adulte, l’éducateur en général ne va pas porter de jugement trop rapide quant à l’attitude ou à la réaction d’un enfant face à une tâche. L’adulte s’intéresse avant tout à la procédure et au pourquoi d’une action et ne s’arrête pas sur le résultat de celle-ci.

« L’enfant est de la même nature que l’adulte  ’» 77 , cet invariant met en valeur les sentiments, les émotions, les besoins, les désirs, de l’enfant qui ne sont pas moins présents chez lui que chez l’adulte. Pour Freinet ‘ « l’enfant se nourrit, sent, souffre, cherche et se défend exactement comme l’adulte, avec seulement des rythmes différents qui viennent de sa faiblesse organique, de son ignorance et de son inexpérience  ’» 78 .

L’enfant est ici considéré comme un être à part entière, à l’image de l’adulte, qui va se construire et construire ses savoirs par une expérimentation active à l’école. Lié à cette prise en compte de la nature chez l’enfant, Freinet propose aux éducateurs d’en suivre le développement naturel qui passe par un respect du tâtonnement expérimental de l’enfant pour pouvoir répondre à cette nécessité qui est de former un être social.

Le tâtonnement expérimental apparaît comme étant la seule vraie voie normalede l’acquisition formelle. L’école traditionnelle ayant tendance à engendrer une acquisition ‘ « de surface  ’», superficielle et formelle, dont l’élément principal est l’explication. L’école de Freinet quant à elle, privilégie l’expérience qui permet une acquisition ‘ « en profondeur  ’». Les règles et les lois vont être le fruit de l’expérience pour avoir une véritable valeur. Le recours à l’expérience privilégié par Freinet, nécessite des outils, des moyens, du matériel, du temps, de l’espace…

Freinet nous rappelle que ‘ « La voie normale de l’acquisition n’est nullement l’observation, l’explication et la démonstration, processus essentiel de l’école, mais le tâtonnement expérimental, démarche naturelle et universelle  ’» 79 , il ajoute que ‘ « La mémoire, dont l’école fait tant de cas, n’est valable et précieuse que lorsqu’elle est intégrée au tâtonnement expérimental, lorsqu’elle est vraiment au service de la vie  ’» 80 et, ‘ « Les acquisitions ne se font pas, comme l’on croit parfois, par l’étude des règles et des lois, mais par l’expérience. Etudier d’abord ces règles et ces lois, en français, en art, en mathématiques, en sciences, c’est placer la charrue devant les bœufs  ’» 81 .

« L’intelligence n’est pas, comme l’enseigne la scolastique, une faculté scientifique fonctionnant comme en circuit fermé, indépendamment des autres éléments vitaux de l’individu » 82 .

C’est en généralisant, en classe et hors de la classe, la pratique du tâtonnement expérimental, en la rendant possible et efficiente que l’on éduque en définitive l’intelligence. Par nature tout individu tâtonne, cherche à découvrir son environnement, fait des expériences et développe son intelligence. En essayant de stimuler ce tâtonnement en classe, la notion d’apprentissage se trouve alors socialisée.

Le travail et le jeu sont selon Freinet, une initiation à la vie sociale, mais contrairement aux activités de jeu, le travail situe un homme ou une femme dans une société, le rend solidaire des autres. Le travail permet à l'élève de prendre conscience de sa place dans la société et des règles de la vie sociales. Ces règles ne s’apprennent cependant pas comme des ‘ « leçons  ’» de vie sociale ou de citoyenneté mais par le tâtonnement du milieu et de ses éléments, avec ses obstacles et ses aides, mais avant tout avec des émotions, des sensations, son ‘ « vécu  ’».

L’éducateur va essayer de rendre l’apprentissage le plus proche possible de l’élève, l’enfant ne sera pas passif, un simple receveur de connaissances, mais un élève qui se mobilise et qui vit réellement son apprentissage. Par des techniques adéquates, on cultive au maximum tout le potentiel d’intelligence des enfants et on commence pour toutes les disciplines par l’expérience et l’information.

Freinet va ensuite critiquer à nouveau la scolastique, en questionnant la motivation de l’enfant, son implication dans le travail, le rapport à l’autorité. L’invariant n° 10 interroge les principes de la scolastique au regard de la socialisation de l’enfant. ‘ « Plus de scolastique  ’» 83 . D’après Freinet, la scolastique est une règle de travail, une règle de vie particulière à l’école, qui n’est pas valable hors de l’école. Elle ne prépare pas l’enfant aux diverses circonstances de la vie.

Freinet rejette donc le domaine de la scolastique. Elle a mis en place des notions et des pratiques psychologiques, pédagogiques, techniques et sociales ancrées dans la tradition, et il est aujourd’hui difficile de faire évoluer les esprits sur une remise en cause de ces notions et principes. L’esprit Freinet qui caractérise l’école moderne va contre les principes de la scolastique.

L’école traditionnelle emploie par exemple des techniques de rédaction, de dessin, de calcul... , qui apparaissent comme des mécanismes qui sont montés pour fonctionner dans le milieu scolaire mais qui n’ont pas de liaison avec le comportement des enfants, alors que l’école moderne de Freinet cherche à développer une méthode naturelle favorisant le développement des facultés de l’enfant. Tout part de l’enfant.

« Les notes et les classements sont toujours une erreur  ’» 84 . Les concours, les diplômes, les notes, les classements, la sélection d’une élite favorisent cette forme d’acquisition par la mémoire et laissent de côté l’aspect créatif de l’élève.

La compétition entre les élèves, entre les écoles, fait oublier le vrai sens de la connaissance…. Le recours à la notation est malheureusement incontournable dans les écoles et reste bien souvent en décalage par rapport aux véritables richesses d’un élève.

N’est–il pas alors paradoxal de croire en la construction de la personnalité et de la citoyenneté à l’école, tout en ayant recours à des ‘ « systèmes d’évaluation  ’» si impartiaux et qui ont tendance à renforcer l’individualisme de l’élève ? La valorisation de soi, l’approbation de ceux qui entourent le ‘ « travailleur  ’» sont indispensables selon Freinet, tout comme nous pouvons le voir dans son film ‘ « l’école buissonnière  ’».

L’enfant dans la classe doit se sentir entendu et écouté par le maître et par les autres enfants pour avoir envie de participer. La surcharge des classes a tendance à rendre ‘ « anonyme  ’» l’élève et de voir le groupe classe comme une entité et non comme la réunion d’individus différents et uniques. Mais ceci n’a pas constitué un obstacle à Freinet puisque ses classes n’ont jamais été surchargées.

L’invariant n° 3 s’intéresse à la psychologie de l’enfant, ‘ « Le comportement scolaire d’un enfant est fonction de son état physiologique, organique et constitutionnel  ’» 85 . ‘ « En face de déficiences de comportement que vous constatez essayez de vous demander s’il n’y a pas des causes de santé, d’équilibre, de difficultés de milieu qu’il y aurait d’abord à revoir » 86 .

Le pédagogue traditionnel agit trop souvent sans tenir compte des difficultés individuelles de ses élèves. Au contraire il est primordial de s’intéresser à l’être humain qu’est avant tout l’élève, avec tout ce que cela implique. Un problème non-soulevé est un problème non résolu, or personne ne peut évoluer correctement si son esprit ou son corps le ‘ « dérangent  ’». L’éducateur doit donc être à l’écoute de l’enfant et chercher à le connaître au-delà de ses résultats scolaires, c’est aussi cela la socialisation de l’enfant à l’école. Or bien souvent des classes trop nombreuses, un programme trop lourd à respecter ou un éducateur trop ‘ « borné  ’», rendent difficile l’établissement de tels rapports avec les élèves… 

Les maîtres ne vont pas se substituer à des psychologues ou à des assistantes sociales, mais en tant que pédagogues ils voient en leurs élèves plus que de simples ‘ « machines à apprendre  ’». Cela peut paraître un peu caricatural, mais si on parle aujourd’hui de plus en plus d’élèves en situation d’échec scolaire, c’est peut être parce que personne n’a su détecter assez tôt les difficultés de l’élève dans cette situation et surtout personne n’y a remédié. Le fait d’être en situation n’est jamais un choix mais plutôt un ‘ « symptôme  ’» ; si un enfant travail mal, dit Freinet, il le fait soit par malignité, soit parce qu’il a un problème de santé (psychologique, physiologique ou psychique). Freinet préconise à nouveau ici d’être à l’écoute du développement de l’enfant.

L’enfant doit, selon Freinet, connaître ses droits et ses devoirs de citoyen, d’être social. Pour qu’il puisse les apprendre, il faut dans un premier temps que l’éducateur respecte cet enfant mais également ses droits.

« Etre plus grand ne signifie pas forcément être au–dessus des autres  ’» 87 . L’estrade de l’école traditionnelle n’a pas lieu d’être dans les écoles modernes de Freinet. Le maître et ses élèves doivent être au même niveau. Il n’y a pas de rapport de force ou de supériorité entre eux mais au contraire un rapport d’égalité, de ‘ « complicité  ’», de coopération. Freinet permet ici de redonner à l’enfant sa véritable place, il le considère dès son plus jeune âge comme un citoyen 88 .

L’enfant va alors être préparer à vivre ce rapport dès l’école, afin de le poursuivre dans la société. L’élève regarde son maître, avec des yeux d’enfant. Il n’y a pas entre eux de barrière, ni de taille, ni de distance, ni de force.

« L’ordre et la discipline sont nécessaires en classe  ’» 89 . Attention, le laisser–faire et le laisser–dire que proclame Freinet ne sont pas synonymes de laisser–aller. Il ne s’agit pas de laisser s’installer un certain laxisme, celui–ci n’ayant pas sa place dans la construction de la personnalité. L’enfant doit connaître ses limites ; il s’agit de créer dans la classe un système de relations favorables au travail. Favoriser les échanges, les questionnements, les recherches de l’enfant, son tâtonnement, qui constituent des outils de socialisation pour l’enfant et des outils d’observation du développement de l’enfant pour le maître.

« Nul–l’enfant pas plus que l’adulte–n’aime être commandé d’autorité  ’» 90 . Naturellement l’homme refuse toute contrainte, or l’autorité apparaît comme une forme de contrainte pour celui envers lequel elle s’adresse. Il s’agit donc de chercher une pédagogie dans laquelle l’enfant puisse choisir au maximum la direction où il doit aller et où l’adulte ait le moins possible recours à l’autorité. Un enfant est souvent tenté de faire justement ce qu’on lui interdit de faire et ne pas faire ce qu’on lui ordonne de réaliser. Ceci est dû au fait qu’il est en quelque sorte ‘ « frustré  ’» d’être contraint et qu’il refuse toute aliénation (ce qui vaut aussi pour l’individu en général).

A l’école, l’enfant est tenté de réagir de la même façon, c’est à dire qu’il va de temps en temps se rebeller contre un maître qui ferait preuve de trop d’autorité. Cependant, trop peu d’autorité n’est pas non plus la solution, il faut trouver un juste milieu, et c’est ce que Freinet a fait. Le maître sait amener l’élève à s’intéresser à la tâche. L’école selon Freinet est centrée sur l’enfant qui est déjà un membre de lacommunauté. L’enfant est demandeur et non simple receveur de savoir.

« Nul n’aime s’aligner, parce que s’aligner c’est obéir passivement à un ordre extérieur  ’» 91 . L’idée du refus naturel de toute aliénation revient également ici. L’obéissance ne permet pas d’après Freinet de faire de l’enfant un être social.

« Nul n’aime se voir contraint à faire un certain travail, même si ce travail ne lui déplait pas particulièrement. C’est la contrainte qui est paralysante  ’» 92 . ‘ « Nul n’aime tourner à vide, agir en robot, c’est à dire faire des actes, se plier à des pensées qui sont inscrites dans des mécaniques auxquelles il ne participe pas  ’» 93 .

Dans cette construction de l’homme social, Freinet attribue un grand intérêt au concept de travail, ‘ « Il nous faut motiver le travail  ’» 94 .

« Chacun aime choisir son travail, même si ce choix n’est pas avantageux  ’» 95 . L’idée de travail occupe une place de ‘ « carrefour  ’» dans la pensée de Freinet, puisque c’est elle qui met en réseau ses divers champs politique, philosophique, psychologique et pédagogique. Dans le champ de la pensée philosophique et politique par exemple, le travail est invoqué dans le refus du travail aliéné.

L’adhésion au mouvement communiste de Freinet, dans l’entre deux guerres, étant essentiellement l’adhésion à l’idée d’un travail productif libéré… Un engagement complet et volontaire de l’enfant, en vue d’une tâche utile, et selon une activité consciente et adaptée, est nécessaire.

Une des notions émanant de la pédagogie Freinet est la notion de travail utile. Freinet rejette le travail scolaire traditionnel qui est selon lui trop conventionnel dans ses buts, artificiel dans ses procédures. Il faut développer l’amour du travail par le travail libre.

Les fichiers auto–correctifs et les bandes enseignantes ont le plus grand succès dans l’école Freinet laissant ainsi l’enfant libre, sans contrainte afin qu’il expérimente dans le sens de ses besoins.

« Ce n’est pas le jeu qui est naturel à l’enfant, mais le travail  ’» 96 . L’école Freinet est une école du travail, celui ci étant la force sur laquelle il faut s’appuyer. Le travail est selon Freinet une nécessité inscrite dans notre corps, ce n’est pas quelque chose qu’on explique et qu’on comprend. Il s’agit d’un travail utile qui va attirer les enfants et non les faire fuir l’école. On socialise l’enfant en l’initiant au travail. L’enfant y éprouve du plaisir et non de la contrainte, c’est ce qui constitue l’objectif majeur de la pédagogie de Freinet. Contribuer aux besoins de la société afin que celle ci nous reconnaisse comme tel, tout en éprouvant de la satisfaction personnelle.

« Tout individu veut réussir. L’échec est inhibiteur, destructeur de l’allant et de l’enthousiasme » 97 .

Il faut donc toujours faire réussir les enfants. Le rôle de l’éducateur ne doit pas s’apparenter à celui d’un censeur, mais celui-ci doit avoir un rôle éminemment aidant.

Aucun individu n’aime se voir en situation d’échec ou d’infériorité. L’enfant ne va pas penser que ses efforts sont inutiles parce que systématiquement sanctionnés, au contraire il va se sentir en situation de réussite, de progrès, d’écoute, et le rôle de l’éducateur est de l’amener à croire en sa réussite personnelle, aussi minime soit- elle.

Si on veut pouvoir s’occuper de chaque enfant, afin de lui apporter l’aide dont il a personnellement besoin, avec des méthodes et un langage qui lui sont adaptés, il ne faut pas oublier qu’il y a parfois plus d’une vingtaine d’élèves à côté de lui dans la classe. Chacun va à son rythme et l’aisance des plus ‘ « forts  ’» ne doit pas faire oublier ‘ « la difficulté  ’» de suivre les autres.

Gérer une classe, c’est gérer une quantité d’individus différents, avec des attentes différentes, des réactions différentes… cette différence doit être le fruit d’une plus grande entraide entre les élèves et de la part du maître, et non un handicap pour l’ensemble de la classe. C’est cette situation classe qui est à l’image de la société. Les enfants vont apprendre à aider l’autre, pour faire progresser et évoluer la société. Ils sont donc dans une démarche de socialisation.

Pour Freinet, l’apprentissage du par cœur est contraire à la notion de travail utile et au principe de l’expression libre.

« L’enfant ne se fatigue pas en exécutant un travail qui est dans la ligne de sa vie, qui lui est pour ainsi dire fonctionnel  ’» 98 . L’enfant peut travailler plusieurs heures sans fatigue. Il s’agit de donner aux enfants le goût et le besoin du travail créant une saine émulation par la compétition coopérative et sociale ; en mettant au point un système de graphiques et de brevets qui remplaceront un jour prochain l’usage abusif des notes et des classements.

L’enfant ne retient pas ce qui ne le touche pas véritablement. L’enseignement scolastique est fondé sur la mémoire, et les examens mesurent exclusivement les acquisitions de mémoire. Freinet y voit uniquement la culture d’une forme abstraite d’intelligence. Il préfère cultiver l’intelligence des mains, l’intelligence artistique, l’intelligence sensible qui développe le bon sens, l’intelligence spéculative, politique ou sociale.

La libre expression, principe pédagogique fondamental dans la pédagogie Freinet, permet à chacun d’exprimer ses sentiments, ses émotions, ses impressions, ses réflexions, ses doutes. On retrouve ici encore l’idée de Rousseau qui refuse le livre comme support didactique du fait que cela ne permet pas à l’élève de parler avec ses mots et d’avoir une pensée propre et autonome.

Dans l’école traditionnelle le livre est omniprésent et l’élève, tout comme le maître s’en sépare rarement. L’élève doit savoir des connaissances de base, des notions qui font parties du programme et qu’il apprend trop souvent par obligation sans savoir à quoi cela va lui servir dans la vie, juste parce que c’est comme cela.

Aujourd’hui les médias, les jeux vidéo, les ordinateurs, donnent à l’élève de nombreuses possibilités de s’évader, d’apprendre en s’amusant, de se socialiser. A l’école ils donnent bien souvent l’impression de s’ennuyer ou de peiner.

Dans les classes Freinet les supports de la libre expression sont multiples : la parole et l’écriture bien sûr, mais aussi la musique, la peinture, le théâtre, le travail de la terre, et dans un autre registre qui est aussi essentiel dans ces classes ; le travail manuel et les productions audiovisuelles par le son et l’image. Avec toutes les possibilités que nous offrent le progrès et la nature, il serait dommage de ne pas en profiter !

Freinet nous rappelle désormais que le travail est à relier à l’idée de coopérative, au sens ou le travail est également un outil de socialisation de l’enfant lorsque celui–ci engage un groupe.

«L’enfant n’aime pas le travail de troupeau auquel l’individu doit se plier. Il aime le travail individuel ou le travail d’équipe au sein d’une communauté coopérative » 99 .

L’enfant garde sa personnalité, mais il travaille au service d’une communauté. En pratiquant les techniques modernes pour le travail vivant, les enfants se disciplineront eux–mêmes parce qu’ils veulent travailler et progresser selon des règles qui leur sont propres. C’est dans la mesure où le maître satisfait les enfants au travail dans la classe, où il satisfait leur besoin de création, d’enrichissement et de vie, que la classe s’harmonisera et que les sanctions seront inutiles.

« La vie nouvelle de l’école suppose la coopération scolaire, c’est à dire la gestion par les usagers, l’éducateur compris, de la vie et du travail scolaires  ’» 100 . Le maître ne va pas se contenter de voir fonctionner la coopération pour en sanctionner, de l’extérieur, les faiblesses et les erreurs. Il doit s’intégrer à la coopérative dont il tâchera d’être, avec beaucoup de compréhension et de dynamisme, le meilleur élément.

La formation en l’enfant de l’homme de demain est importante, de l’homme moral et social, du travailleur conscient de ses droits et de ses devoirs, et suffisamment courageux pour y faire face, de l’enfant et de l’homme intelligent, chercheur, créateur, écrivain, mathématicien, musicien, artiste.

Les qualités que ces fonctions exigent ne peuvent absolument pas s’acquérir dans un groupe anonyme. Elles ne peuvent se développer que si on a la possibilité effective de travailler, d’agir et de vivre individuellement et socialement.

A travers ces invariants qui respectent la nature de l’enfant, sa liberté, son expérimentation, Freinet propose de développer chez l’enfant l’éducation au travail mais également les valeurs de la démocratie.

« On prépare la démocratie de demain par la démocratie à l’école. Un régime autoritaire à l’école ne saurait être formateur de citoyens démocrates  ’» 101 . Il s’efforce d’organiser la démocratie par la socialisation à l’école.

« On ne peut éduquer que dans la dignité. Respecter les enfants, ceux–ci devant respecter leurs maîtres, est une des premières conditions de la rénovation de l’école  ’» 102 . Freinet ajoute ici qu’une des valeurs de la démocratie, de l’école, est le respect de l’autre, n’est–ce pas avant tout une valeur morale ?

Ce code pédagogique est considéré comme un outil pédagogique pour tout enseignant qui souhaite pratiquer la pédagogie de Freinet dans sa classe aujourd’hui. A travers ces invariants nous avons pu à nouveau relever l’importance accordée par Freinet, à la nature de l’enfant. Selon lui, cette nature qu’il faut respecter, va guider l’enfant et l’éducateur dans ses acquisitions. Sur le fond, finalement, Freinet met en place ici un outil qu’il rattache aux concepts de travail et de socialisation chez l’enfant, mais se préoccupe davantage ici du développement personnel de l’enfant.

En lien avec ce code pédagogique, et cette idée d’une connaissance individuelle de l’enfant, Freinet va également mettre en valeur un certain ‘ « fil conducteur  ’» que l’enfant va suivre, ce sont les grandes étapes éducatives. Le passage par ces étapes impose aux éducateurs des attitudes psychologiques et pédagogiques bien précises en vue d’un développement psychologique, pédagogique, social et moral optimal de l’enfant.

Notes
76.

-VIAL. J., Actualité de la Pédagogie Freinet.

77.

- FREINET. C., Œuvres Pédagogiques, Les invariants pédagogiques, Tome 2, Editions du Seuil, 1994, p. 387.

78.

- Ibid.

79.

- Idem, p. 399.

80.

- Ibid.

81.

- Idem, p. 400.

82.

- Ibid.

83.

- Ibid.

84.

- Idem, p. 404.

85.

- Idem, p. 388.

86.

- Idem, p. 389.

87.

- Idem., p. 387.

88.

- Cette notion ambiguë désigne d’abord, en effet, simplement, le statut juridique dont disposent ceux qui se différencient des « étrangers », des « barbares », jouissent de divers droits, notamment celui de détenir les charges publiques, d’exercer certaines professions et, surtout, de voter ; cela est lié à la possession de la nationalité ou, pour ceux qui ne sont pas ressortissants d’origine, s’obtient par la procédure de naturalisation, selon les modalités fixées par le législateur.

Mais elle désigne aussi une certaine manière de réagir à ce statut, c’est à dire de corréler ces droits avec des devoirs. Un citoyen, en ce sens, est celui qui ne dispose pas avec indifférence de sa nationalité mais veut mettre en œuvre les responsabilités qu’elle lui paraît comporter ; se sentant membre de diverses collectivités, il souhaite participer à leur dynamique et les faire bénéficier de ses propres capacités, en vue d’objectifs qui lui semblent mériter d’être poursuivis.

Il n’y a de citoyens que dans une démocratie car elle prévoit leur association au pouvoir ; dans un régime autocratique, où celle-ci leur est refusée. Cette notion de citoyen est alors suspendue à une éducation qui fournisse les capacités requises et qui, en outre, soit fidèle à ce qu’elle évoque, donc soit démocratique au sens où nous l’entendons, c’est à dire vise l’intériorisation des valeurs au service desquelles elle s’organise.

89.

- Idem, p. 406.

90.

- Idem, p. 391.

91.

- Idem, p. 392.

92.

- Idem, p. 393.

93.

- Idem, p. 395.

94.

- Idem, p. 396.

95.

- Idem, p. 394.

96.

- Idem, p. 395.

97.

- Idem, p. 397.

98.

- Idem, p. 403.

99.

- Idem, p. 406.

100.

- Idem, p. 408.

101.

- Idem, p. 407.

102.

- Idem, p. 410.