B – UNE METHODE NATURELLE DE SOCIALISATION

« Il y a entre les méthodes traditionnelles et nos méthodes naturelles une différence fondamentale de principe. Les premières étant spécifiquement scolaires, créées, expérimentées et plus ou moins mises au point pour un milieu scolaire qui a ses buts, des modes de vie et de travail, sa morale et ses lois, différents des buts, des modes de vie et de travail du milieu non scolaire, le milieu vivant » 127 .

C’est l’existence même de ce milieu scolaire tel qu’il est que Freinet juge irrationnel, retardataire, dangereusement décalé par rapport au milieu social et vivant contemporain, et impuissant de ce fait à faciliter et à préparer l’éducation bien comprise qui formera en l’enfant l’homme de demain, conscient de ses droits, mais capable aussi de remplir ses devoirs dans le monde qu’il doit construire et dominer.

L’école traditionnelle enseigne une morale verbale sans influence aucune sur le comportement des enfants et qui ne vise qu’à consolider et à justifier les pratiques scolastiques d’obéissance passive et d’instruction dogmatique.

Il s’agit, face à cela, de déborder ce cadre scolaire, d'aller vers une forme pratique et constructive de l’enseignement moral par la coopération sous toutes ses formes, par l’organisation normale du travail et l’établissement de rapports plus coopératifs entre maîtres et élèves dans un milieu pédagogique, la coopérative. C’est la forme sociale et humaine de l’école qu’il faut reconsidérer.

« Ce redressement pédagogique et social porte en lui une harmonie nouvelle qui suscite un ordre profond et fonctionnel, une discipline qui est l’ordre même dans l’organisation de l’activité et du travail, une efficience qui résulte d’une rationalisation humaine de la vie scolaire, toutes conquêtes qui, par delà les formalismes désuets, concourent à la formation harmonieuse des individus dans un cadre social régénéré » 128 .

L’école traditionnelle emploie des techniques de rédaction, de calcul, de dessin ou de musique qui apparaissent comme des mécanismes minutieusement montés pour fonctionner en milieu scolaire, mais qui sont sans liaison avec le comportement des individus et les exigences sociales en milieu non-scolaires. Tout au contraire, Freinet veut ‘ « préparer l’enfant à jouer son rôle de citoyen actif dans une société démocratique  ’» 129 .

« Ce n’est pas avec des hommes à genoux qu’on met la démocratie debout !  Redressons–nous, et, par une éducation libératrice soyons dignes d’espoir des grands laïques qui rêvaient pour le peuple d’une Ecole de liberté, d’égalité, de fraternité et de paix » 130 .

Cette révolution pédagogique va faire apparaître chez Freinet l’idée d’une méthode naturelle de socialisation. Freinet aborde et explique alors le tâtonnement expérimental présent chez l’enfant, que l’école va devoir suivre et prendre en compte notamment à travers la mise en place de méthodes naturelles de lecture et de dessin.

Notes
127.

- FREINET. C., Œuvres pédagogiques, La méthode naturelle de lecture, Tome 2, Editions du Seuil, Paris, 1994, p. 227.

128.

- FREINET. C, Œuvres Pédagogiques, L’école moderne française, Tome 2, Editions du Seuil, Paris, 1994, p. 20.

129.

- FREINET. C, Œuvres Pédagogiques, Méthode naturelle de lecture, Tome 2, Editions du Seuil, Paris, 1994, p. 228.

130.

- FREINET. C., Les techniques Freinet de l’école moderne, Carnets de pédagogie pratique, Armand Colin, Collection Bourrelier, 7è édition, 1975.