B – UNE POLITIQUE DU TRAVAIL

« Dans tous les milieux pédagogiques bien pensants, l ’ Ecole semble abstraite de la société ; on prétend lui conserver pureté et candeur loin de toute vaine agitation sociale. Aussi, quand on discute de problèmes pédagogiques, s’arrête-t–on prudemment au bord des questions sociales ou politiques qui seraient l’aboutissement certain du raisonnement. Que les divers groupements s’occupant d’éducation nouvelle aient d’excellentes raisons pour expliquer cette timidité, nous n’en doutons point. Nous croyons qu’il est cependant de notre devoir de dénoncer « l’union sacrée » qui est la base de leur constitution, et de poser le problème de l’école populaire dans toute son ampleur » 188 .

Freinet établit dès le début le rapport entre le pédagogique et le politique. Il est opposé à la guerre 14-18 ( il fut pacifiste !). A l’origine des recherches de Célestin Freinet il y a la nécessité dans laquelle il s’esttrouvé d’améliorer, pour des raisons de santé, les conditions de son travail d’instituteur, mais aussi son désir de changer son métier pour mieux l’exercer. Freinet rêve d’une école de la vie. L’école est toujours l’école d’une société donnée. La pédagogie a globalement une fonction conservatrice. Freinet veut changer la société en changeant l’école. Comment Freinet conjugue t-il pédagogie et politique ? Cette conjugaison n’a-t-elle pas des limites ?

Freinet est un ‘ « socialiste  ’». L’école capitaliste doit laisser la place à l’école du prolétariat.

Un socialiste est par définition une personne favorable au socialisme et qui tente d’instaurer celui–ci. Il s’agit d’une doctrine économique et politique qui préconise la disparition de la propriété privée des moyens de production et l’appropriation de ceux–ci par la collectivité. Dans la théorie marxiste, cette période a succédé à la destruction du capitalisme et qui a précédé à l’instauration du communisme et à la disparition de l’Etat. Engels, théoricien, avec Marx, du communisme, stade suprême du socialisme, distingue deux formes : le socialisme utopique et le socialisme scientifique. Au premier se rattachent toutes les tentatives philosophiques, sociales ou économiques d’organisation de la société sur des bases égalitaires. Les prédécesseurs sont nombreux : Platon, More, Rousseau, Diderot, Fichte, Saint–Simon, Fourier. Le socialisme scientifique ou révolutionnaire, élaboré par Marx et Engels, parachevé par Lénine, Trotski, Mao Zedong, découle d’une analyse précise du capitalisme international. Le mouvement socialiste se développe dans la seconde moitié du XIXème siècle, au sein d’un prolétariat urbain né de la grande industrie. Mais, en s’affirmant davantage, le socialisme se diversifie. Apparaissent, en effet, des modèles distincts, les uns qualifiés de communistes (URSS, Chine, par ex.) les autres de socialistes (modèle suédois, nombreux pays du tiers monde). L’appellation parti communiste a été adoptée après la révolution russe de 1917 par les fractions révolutionnaires des partis socialistes pour bien se démarquer ; ces jeunes fractions affirmaient leur attachement à la jeune URSS.

Freinet a lui–même participé a de nombreux voyages d’étude en URSS, le mouvement de l’imprimerie à l’école y a d’ailleurs fait suite. En 1932, ce mouvement change de nom et devient l’éducateur prolétarien. Freinet va ensuite rencontré de nombreuses difficultés, il va démissionné en 1934 de l’enseignement public, en 1939 l’éducateur prolétarien devient l’éducateur prolétarien. Freinet va ensuite rencontré de nombreuses difficultés, il va démissionné en 1934 de l’enseignement public, en 1939 l’éducateur prolétarien devient l’éducateur, en 1940 il est arrêté par la police de Vichy en tant que militant communiste puis interné, en 1948 Freinet quitte le PCF.

Il s’appuie sur Pestalozzi, Fröbel et les pédagogues allemands pour prôner une école du travail libre et humaine.

« La décadence et la mort de l’école sont le résultat du développement formidable du capitalisme… Devant cette faillite, on comprend enfin le danger d’une instruction qui va à l’encontre du progrès humain, on voit qu’il ne suffit plus de développer, d’améliorer, de réformer l’enseignement, il faut… le révolutionner » 189 .

Freinet n’est pas d’abord un militant pédagogique, son militantisme est social et politique ; il se veut un éducateur prolétarien donc un militant pédagogique. Freinet ne veut pas adapter l’enfant à la société par une école nouvelle, il définit ses pratiques pédagogiques comme une rupture avec la société porteuse.

L’éducation relève selon lui d’une société de classes, alors il faut choisir sa place. Freinet se veut et se dit éducateur prolétarien, en charge d’une école nouvelle populaire destinée à former des camarades aptes à assumer les fonctions politiques, syndicales ou coopératives au service du peuple.

Il s’agit de condamner l’école telle qu’elle est. En effet, la pédagogie traditionnelle ne prépare plus à la vie, ne sert plus la vie sociale ; elle tend à s’isoler, à se distancier de la réalité, à s’ériger en monde fermé qui s’organise comme une société initiatique et sacralisée, à semer la "scolastique". Mais il faut aussi condamner l’école telle qu’elle se veut souvent. L’éducation nouvelle poursuit une école idéale, abstraite du monde destructeur, assurant une protection à des élus.

La condition véritable du prolétariat est incompatible avec les rêves d’écoles nouvelles qui ne sont que du ‘ « pédagogisme  ’» rassurant et alimentant l’illusion réformiste de l’école, instrument souverain et pacifique de l’évolution sociale. Il convient de parler d’école moderne et non plus d’école active :

« Quand un pédagogue de talent désire fonder une école nouvelle, il part à la recherche de quelque coin ensoleillé, au flanc d’une montagne majestueuse, au milieu d’une nature belle et saine. Là, il fait construire des locaux adaptés aux fins qu’il se propose, et ses meubles également pour ces fins. Il veille ensuite à ce que les enfants qu’il reçoit soient convenablement nourris, qu’ils aient un sommeil réparateur, qu’ils profitent du plein air. Et après, mais après seulement, il s’occupe des méthodes et des techniques ; car, sans ces préparatifs, et malgré tous les efforts des pédagogues, il ne pourrait pas y avoir d’école nouvelle. On fait le contraire chez nous. On feint de croire que les méthodes et les techniques constituent tout l’essentiel de l’éducation. Si le local est mal situé et mal divisé, si la classe ne possède aucun matériel d’enseignement, si les enfants sont mal nourris, s’ils s’étiolent dans des taudis, tout cela, dira–t–on, ne dépend plus de l’école mais de la société ; c’est affaire sociale et politique ! Mais n’est–il pas du devoir des pédagogues de montrer aux profanes par quels liens intimes l ’Ecole et rattachée au milieu social, pour leur prouver qu’il est illogique de parler de progrès scolaires ou éducatifs maximum là où les conditions matérielles indispensables ne sont pas réalisées  ’» 190 . ‘ « Les méthodes préconisées dans les congrès de l’éducation nouvelle ne répondaient pas aux conditions de travail des écoles populaires  ’» 191 .

La position de Freinet est ici très liée à la philosophie de Marx, au communisme. ‘ « Si par révolution faite, on entend le terme de la longue évolution qui, après le coup d ’ Etat politique et économique, sera nécessaire pour arriver au communisme, alors d’accord  ’» 192 .

En effet, il faut selon Marx, ‘ « constituer une classe radicale qui, subissant l’exploitation absolue, le dommage universel, ne pourra se libérer qu’en brisant les chaînes de la société toute entière  ’» 193 .

La lutte est politique. Il s’agit bien de constituer la classe radicale comme arme, de remplacer ‘ « les armes de la critique par la critique des armes  ’». L’extension du machinisme et la division du travail ont fait perdre au travail des prolétaires tout caractère d’autonomie, et par là tout attrait pour l’ouvrier. L’ouvrier est devenu le simple accessoire de la machine, on ne lui demande plus que le geste le plus simple, le plus monotone, le plus facile à apprendre.

Le coût d’un ouvrier se limite donc à peu près aux seuls moyens de subsistance dont il a besoin pour s’entretenir et perpétuer sa race. Or le prix d’une marchandise, donc aussi du travail, est égal à ses frais de production :

« L’industrie moderne a transformé le petit atelier du maître artisan patriarcal en la grande usine du capitaliste industriel. Des masses d’ouvriers, entassés dans l’usine, sont organisés militairement. Ils sont placés comme simples soldats de l’industrie sous la surveillance d’une hiérarchie complète de sous officiers et d’officiers. Ils ne sont pas seulement les domestiques de la classe bourgeoise, de l’état bourgeois, ils sont chaque jour, chaque heure, domestiqués par la machine, par le surveillant, par le bourgeois industriel tout seul» 194 .

Dans les diverses luttes nationales des prolétaires, les communistes mettent en avant et font valoir les intérêts communs à l’ensemble du prolétariat et indépendants de la nationalité ; d’autre part, aux divers stades de développement que traverse la lutte entre prolétariat et bourgeoisie, ils représentent constamment l’intérêt du mouvement général.

L’objectif immédiat des communistes est la conquête du pouvoir politique par le prolétariat.

« Les communistes peuvent résumer leurs théories en cette seule expression : abolition de la propriété privée » 195 . ’ ‘« Etre capitaliste signifie occuper non seulement une position personnelle dans la production, mais aussi une position sociale. Le capital est un produit collectif, et il ne peut être mobilisé que par l’activité commune de nombreux membres, et en dernière instance que par l’activité de tous les membres de la société » 196 .’

Les communistes n’inventent pas l’action de la société sur l’éducation ; ils en modifient seulement le caractère, ils arrachent l’éducation à l’influence de la classe dominante.Selon eux, « le travail est la source de toute richesse et de toute culture, et comme le travail utile n’est possible que dans la société et par la société, le produit du travail appartient intégralement, selon un droit égal, à tous les membres de la société » 197 .

Le travail n’est pas la source de toute richesse. La nature est tout autant la source des valeurs d’usage que le travail, qui n’est lui-même que la manifestation d’une force naturelle, la force de travail humaine : ‘ « Puisque le travail est la source de toute richesse, nul dans la société ne peut s’approprier de richesse qui ne soit un produit du travail. Si donc quelqu’un ne travaille pas lui - même, il vit du travail d’autrui, et sa culture elle–même, il se l’approprie aux frais du travail d’autrui. Aucun travail « utile » n’est possible sans société  ’» 198 .

L’émancipation du travail doit être l’œuvre de la classe ouvrière, en face de laquelle toutes les autres classes ne forment qu’une masse réactionnaire : ‘ « La classe ouvrière travaille à son émancipation tout d’abord dans le cadre de l ’Etat national actuel, consciente que le résultat nécessaire de son effort, commun aux ouvriers de tous les pays civilisés, sera la fraternité internationale des peuples  ’» 199 .

Entre la politique et la pédagogie il y a une véritable interdépendance. L’engagement pédagogique à un sens social et politique, mais il ne s’y réduit pas ; l’engagement politique est lui aussi nécessaire, mais il doit s’effectuer dans des instances extérieures à l’école. Ce qu’il s’agit d’éviter, c’est tout autant l’illusion que la désillusion pédagogiques ; l’école, rapportée au changement de la société, peut quelque chose même si elle ne peut pas tout.

On ne fait pas une école du travail en ajoutant à une école traditionnelle des ateliers plus ou moins riches de travail manuel. L’éducateur prolétarien, en lutte contre l’école capitaliste, se doit de réaliser autant que faire se peut une école du travail.

L’école doit promouvoir et expérimenter une conception nouvelle du travail, élément organique de la vie, argument primordial de l’émancipation des peuples. L’éducateur révolutionnaire va former quotidiennement l’homme nouveau, personne et citoyen dans le même temps, héroïque et exemplaire sans contexte, par l’école du travail de la pédagogie populaire qui construit le futur au sein du présent.

Une école du travail fait du matériel et de l’organisation un élément essentiel et décisif de l’équilibre scolaire. Ce matérialisme scolaire est un véritable retournement éducatif, il est l’assise d’une culture dont le travail sera le centre. En effet, Freinet est l’un des premiers a introduire du matériel dans sa classe, avec notamment l’imprimerie que nous aborderons à travers les techniques éducatives.

Par le matériel, l’enfant manipule, tâtonne mais surtout, produit un travail. L’outil est un élément essentiel de socialisation, l’enfant communique, et de motivation de l’enfant au travail.

L’éducation du travail est la solution pour préparer les jeunes générations à leur mission technique, sociale, politique, humaine. Il ne s’agit pas d’apprendre avant de travailler ou pour travailler. Il s’agit de tout passer par l’expérience de la vie, par l’action, essence de notre être que l’on appelle le travail, cette technique nouvelle de la vie qu’il s’agit de mettre en place.

A l’école, l’enfant doit acquérir ce que Freinet appelle le sens organique du travail, c’est à dire prendre conscience que celui-ci constitue un besoin vital, et non un sens intellectuel ou moral. Autorité, volonté, imagination, intérêt, jeu : ces éléments ordinairement considérés comme étant ‘ « basiques  ’» passent en vérité à côté du besoin fondamental, celui de travailler.

Freinet lie bien directement pédagogie et politique, projet pédagogique et projet politique. La pédagogie Freinet est une pédagogie socialiste, du travail, mais en rien une ‘ « pédagogie de l’usine  ’».

Le modèle naturel est celui du paysan et de l’artisan. Tout se passe comme si, chez Freinet, il s’agissait de retrouver, de restaurer ou d’instaurer une harmonie préétablie entre les individus naturels et une société naturelle. Freinet ne prépare pas une pédagogie de l’amour, mais une pédagogie de l’harmonie individuelle et sociale par la vertu souveraine du travail.

Freinet s’inscrit ici dans toute la tradition moderne de l’éducation, celle qui croit que l’on peut faire advenir un monde autre, meilleur, supérieur, en changeant l’éducation. La pédagogie, qui s’est présentée principalement comme porteuse d’un projet politique explicite, est ainsi actuellement marquée par une volonté d’adaptation à une société. A ce titre, elle paraît avant tout au service de cette même société, elle en assure le maintien. C’est là la marque d’une certaine société, démocratique mais avant tout libérale, au service de la liberté des individus.

Freinet est donc un ‘ « socialiste  ’» et un moderne. Il considère sa pédagogie comme la pédagogie socialiste. Pour lui, il est évident qu’engagement pédagogique et engagement politique, que projet pédagogique et projet politique sont nécessairement liés. Il se bat pour ses idées pédagogiques au nom d’une société révolutionnaire.

Cependant, Freinet est contre une pédagogie syndicale. ‘ « Devons–nous avoir une pédagogie syndicale ou rechercher seulement une pédagogie qui ne façonne pas les enfants pour un système politique et social donné, mais qui développera normalement l’enfant pour en faire un homme, l’homme capable de vivre en homme au milieu des autres hommes  ’» 200 .

L’éducation selon Freinet doit viser l’installation du communisme, ‘ « qui ne sera qu’une idéale vie en commun, avec le maximum de libertés individuelles compatibles avec une vie en société  ’» 201 .

Freinet ne souhaitait pas une pédagogie adéquate au temps et au lieu où il vivait. Le mode d’enseignement et le système d’éducation était par obligation adapté aux écoles et aux maîtres existant. Mais les principes qui constituaient la base de cette éducation, devaient rompre avec le mensonge et le monstrueux égarement qui les entouraient. Sinon, comment l’éducation pourrait–elle influencer le progrès ? :

« A la base de tous nos malheurs il y a la mauvaise éducation qui a été donnée jusqu’à maintenant et qui rend les masses plus dangereuses à manier qu’au temps où il y avait une grosse proportion d’illettrés. C’est que l’école n’a pas « éduqué » au vrai sens du mot ; elle a essayé d’instruire. On a oublié qu’il y a quelque chose qui compte plus que toutes les connaissances qu’on peut amonceler : c’est l’éducation, le développement de la personnalité avec son bon sens et sa raison » 202 .

Il s’agit avec Freinet de se libérer de tous dogmes et de faire l’école pour l’enfant : ‘ « Eduquons–les en pensant, non que nous faisons des capitalistes ou des communistes, mais en nous persuadant bien que ces enfants–surtout au tournant social où nous nous trouvons–nous avons la charge d’en faire des hommes et non des citoyens, des hommes ayant soif d’amour et de liberté et qui emploieront tous leurs efforts à se libérer » ’ ‘ 203 ’ ‘ .

L’école n’est pas le lieu selon Freinet où on apprend telles ou telles choses d’un programme défini : ‘ « L’école doit être l’apprentissage de la vie. Et c’est ce qu’on oublie totalement. On apprend des connaissances à l’enfant ; on ne lui dit pas même ce qui sert ou nuit à l’homme son frère ; on ne le prépare pas à vivre en société. Et on s’étonne ensuite qu’il soit comme égaré quand l’école le rejette et qu’il ne soit pas sociable » ’ ‘ 204 ’ ‘ .

Mais comment donner la vie à l’école ? Il faut d’abord selon Freinet se débarrasser de leur vieux fonds capitalistes. En effet, Freinet déclare, qu’ils enseignent à l’enfant non ce qui pourrait en faire un homme mais ce qui en fera un fidèle serviteur d’un régime : ‘ « Avons-nous le droit d’imposer aux enfants un dogme capitaliste ou communiste en leur donnant une tournure d’esprit qui les empêchera de chercher la vraie loi de la société ?» 205 .

Mais l’Ecole soutient l’Etat selon Freinet. Il faut donc donner la vie aux enfants. Pour cela il n’y a qu’un seul moyen, les faire vivre ensemble leur vie, en république 206

De plus, Freinet considère que l’Ecole est le produit de la société ; cette société l’influence très profondément de manières diverses. Selon lui, ‘ « il y a tout un côté de l’école populaire qui est systématiquement négligé : l’éducation et l’école dans leurs rapports avec la société  ’» 207 .

L’école est véritablement rattachée au milieu social. ‘ « On feint de croire que les méthodes et les techniques constituent tout l’essentiel de l’éducation. Si le local est mal situé et mal divisé, si la classe ne possède aucun matériel d’enseignement, si les enfants sont mal nourris, s’ils s’étiolent dans des taudis, tout cela, dira–t-on, ne dépend plus de l’école mais de la société ; c’est affaire sociale et politique !» 208 .

Freinet a tenté de développer une pédagogie nouvelle révolutionnaire pour les écoles populaires. Deux grands principes dominent cette pédagogie dite ‘ « populaire  ’» selon Freinet. Dans un premier temps, ‘ « le maître ne saurait obtenir une instruction et une éducation véritables sans le consentement actif, sans la participation vivante des éduqués eux-mêmes » 209 . Puis dans un second temps, selon Freinet ‘ « Si l’avenir appartient au socialisme, la voie pédagogique est nécessairement vers une socialisation toujours plus grande de l’école : socialisation au sein même de l’organisme scolaire, et adaptation de l’école aux fins sociales nouvelles » 210 .

Freinet a mis en avant deux préoccupations dans cette réforme de l’éducation dite traditionnelle. Il s’agit dans un premier temps d’organiser l’école populaire, puis de faire des instituteurs des éducateurs–révolutionnaires. Selon Freinet, le peuple accédant au pouvoir aura son école et sa pédagogie, il faut pour cela adapter leur éducation au monde nouveau qui était en train de naître, celui du socialisme triomphant.

L’école prolétarienne est la seule, d’après Freinet, qui par son orientation nouvelle marque une solution fondamentale de continuité des fins de l’éducation. Il ne suffit plus pour Freinet, de développer, d’améliorer, de réformer l’enseignement, il faut le révolutionner. Pour lui, en effet, l’éducation qui est l’élévation de l’individu avec l’aide du milieu ambiant et de l’adulte, a pour but de permettre à l’enfant de développer au maximum sa personnalité au sein d’une communauté rationnelle qu’il sert et qui le sert.

Ce n’est que de cette façon qu’il remplira sa destinée, se haussant à la dignité et à la puissance de l’homme, et qu’il se préparera à travailler efficacement, quand il sera adulte.

Une double perspective individuelle et sociale s’impose, l’enfant est tout à la fois, personne et citoyen en devenir. Il importe, selon Freinet, de former des hommes par une pédagogie de réussite et d’avenir qui réalise dans la famille si possible, du moins à l’école et autour de l’école, un monde qui soit vraiment à la mesure de l’enfant, évoluant à son rythme et répondant à ses besoins, afin qu’il soit conscient et capable de rendre au maximum, individuellement et socialement.

Former en l’enfant l’Homme de demain à l’école et hors de l’école, puisque la fonction d’éducation n’est pas exclusivement scolaire. Il s’agit de développer une école du XXème siècle pour l’homme du XXème siècle, de former les citoyens de la société nouvelle.

Freinet souligne ainsi l’importance d’une pédagogie populaire, laïque et démocratique, seule digne de l'Ecole Moderne. Il relève également l’importance de l’activité politique et invite les éducateurs à militer, à s’engager, mais ne souhaite pas pour autant, transformer son mouvement en organe de partis ou de syndicats.

Si au fil du temps, les ‘ « éducateurs–révolutionnaires  ’» devinrent des «‘ éducateurs  ’», si ‘ « l’école populaire  ’» ou ‘ « prolétarienne  ’» se transforma en ‘ « Ecole Moderne  ’» et la ‘ « pédagogie révolutionnaire  ’» en ‘ « pédagogie moderne  ’», par–delà ces changements qui en affectèrent les moments, l’invariance du projet éducationnel est demeuré.

Notes
188.

- FREINET. C., Notes de pédagogie nouvelle révolutionnaire – L’école organisme social, Ecole Emancipée, 11 décembre 1927, p. 189.

189.

- FREINET. C., Les techniques Freinet de l’école moderne, Carnets de pédagogie pratique, Collection Bourrelier, Librairie Armand Colin, Paris, 1964, p. 143.

190.

- FREINET. C., Notes de pédagogie nouvelle révolutionnaire – L’école organisme social, Ecole Emancipée, 11 décembre 1927, p. 189.

191.

- FREINET. C., Freinet par lui – même, CD Audio avec Album BT n° 1079, PEMF, Mouans – Sartoux, 1996.

192.

- FREINET. C., Chacun sa pierre, contre une pédagogie syndicale, Ecole Emancipée, 4 juin 1921, p. 142-143.

193.

- MARX . ENGELS., Le Manifeste du Parti Communiste, Librairie Générale Française, Paris, 1973, p., 21.

194.

– Idem, p. 15.

195.

- Idem, p. 25.

196.

- Idem, p. 30.

197.

- Idem, p. 73.

198.

- Idem, p. 74.

199.

- Idem, p. 87.

200.

- FREINET. C., Chacun sa pierre, contre une pédagogie syndicale, Ecole Emancipée, 4 juin 1921, p. 142-143.

201.

- Ibid.

202.

- Idem.

203.

- Idem.

204.

- Idem.

205.

- FREINET. C., Chacun sa pierre, comment rattacher l’Ecole à la vie, Ecole Emancipée, 7 mai 1921.

206.

- Du latin respublica, désigne un gouvernement républicain, et également, sous l’Ancien Régime, toute forme d’Etat, spécialisé après la Révolution. Une République est un Etat gouverné par des représentants élus pour un temps et responsables devant la nation (par opposition à la Monarchie).

La République est le régime politique proclamé 5 fois en France. La 1ère République, établie le 21 septembre 1792 après l’abolition de la royauté, s’acheva le 18 mai 1804 avec la proclamation du Premier Empire ; elle vit se succéder la Convention, le Directoire et le Consulat. La 2nde République, issue de la révolution de 1848, dura du 25 février 1848 au 2 décembre 1852, date de la proclamation du Second Empire. La 3ème République, proclamée par le gouvernement de la défense nationale le 4 septembre 1870 et définitivement instituée en 1875, s’acheva le 10 juillet 1940 quand le maréchal Pétain créa l’Etat français ; elle eut 14 présidents. La 4ème République, constituée le 3 juin 1944, prit d’abord la forme d’un gouvernement provisoire de la République Française, et fit adopter sa Constitution par le référendum du 13 octobre 1946. La crise économique et politique ainsi que les événements d’Algérie précipitèrent sa chute (effective le 4 octobre 1958). Elle eut 2 présidents : Vincent Auriol (1947-1954) et René Coty (1954-1959). La 5ème République, dont la Constitution fut approuvée par le référendum le 28 septembre 1958, fut présidée par le Général De Gaulle (élu le 21 décembre 1958), entré en fonction le 8 janvier 1959, réélu le 19 décembre 1965, démissionnaire le 28 avril 1969, puis par Georges Pompidou (élu le 15 juin 1969), mort le 2 avril 1974 , Valéry Giscard d’Esteing (élu le 19 mai 1974), et François Mitterand (élu le 10 mai 1981 et réélu le 8 mai 1988).

207.

- FREINET. C., Notes de pédagogie nouvelle révolutionnaire – L’école organisme social, Ecole Emancipée, 11 décembre 1927, p. 189.

208.

- Ibid.

209.

- FREINET. C., Notes de Pédagogie Nouvelle Révolutionnaire – Les Coopératives Scolaires, Ecole Emancipée, 5 mai 1929, p. 506-507.

210.

- Ibid.