1 - La Classe Promenade

« Les promenades scolaires sont autrement précieuses pour une meilleure adaptation de notre enseignement. On peut y faire d’excellentes leçons de sciences, de langage, de calcul, d’histoire et de géographie. Mais comment, au cours élémentaire et au cours préparatoire, les faire servir à l’un des enseignements les plus pressants : celui de la lecture ? C’est en pensant à tout le bénéfice qu’on pourrait retirer de lectures se rapportant aux choses qui nous auraient intéressés que j’imaginai d’en faire imprimer le texte » 217 .

Premier dispositif, mis en place par Freinet, qui va chercher dans le recours à l’extérieur l’une des sources d’acquisition des connaissances. Ces sorties organisées autour du village sont souvent considérées comme les prototypes de ce qu’on appelle aujourd’hui les séquences pédagogiques de découverte du milieu.

La classe–promenade fut pour Freinet la planche de salut. Au lieu de somnoler devant un tableau de lecture, à la rentrée de la classe de l’après–midi, ils partaient dans les champs qui bordaient le village 218 . Il était normal que, dans cette atmosphère nouvelle, dans ce climat non scolaire, ils accédaient spontanément à des formes de rapports qui n’étaient plus celles, trop conventionnelles, de l’école. Ils se parlaient, se communiquaient, sur un ton familier, les éléments de connaissance qui leur étaient naturels et dont ils tiraient tous, maître et élèves, un profit évident. Quand ils retournaient en classe, ils écrivaient au tableau le compte rendu de la promenade. Mais ce n’était là qu’un coin lumineux enfoncé provisoirement dans le mur de la scolastique.

La vie s’arrêtait à cette première étape, faute d’outils nouveaux et de techniques adéquates. Il y avait divorce total, et inévitable, entre la vie et l’école. Le travail auquel ils s’étaient ainsi contraints perdait de ce fait tous les avantages du travail vivant pour devenir une tâche fastidieuse et sans portée.

Les qualités que ces fonctions exigent ne peuvent absolument pas s’acquérir dans un groupe anonyme. Elles peuvent se développer que si on a la possibilité effective de travailler, d’agir et de vivre individuellement et socialement. Il faut s’efforcer d’organiser la démocratie à l’école.

Selon Freinet, on ne peut éduquer que dans la dignité, il s’agit de faire respecter les enfants, ceux–ci devant respecter leurs maîtres, est une des premières conditions de la rénovation de l’école.

Mais dans la pratique de la classe–promenade de Freinet il y a tout autre chose, à savoir la démarche d’apprendre par les autres à partir de leur expérience, dans un contexte de communication. En effet, chaque enfant raconte à l’autre, avec ses mots, ce qu’il a vu, entendu, découvert ; et c’est dans cet échange que l’enfant construit son savoir. Il énumère les idées, les classent, leur donnent du sens. Nous sommes ici dans ces temps que l’on appelle aujourd’hui, les échanges de savoirs.

On redécouvre aujourd’hui les savoirs d’expérience, mais on oublie que Freinet les avait mis en pratique, en 1920, avec de jeunes paysans provençaux. C’est en regardant le monde, pas seulement au sens géographique ou naturaliste mais aussi dans une perspective culturelle sociale (discuter avec les artisans, les gens du village, toutes les personnes ressources venues du milieu humain environnant), que les enfants confrontent leurs représentations à d’autres descriptions du monde, à d’autres points de vue sur la réalité, à d’autres rapports à l’expérience et aux savoirs.

On comprend mieux alors l’importance des échanges sociaux de toutes sortes dans la pédagogie Freinet, et particulièrement les différentes formes d’échanges interscolaires.

Notes
217.

- FREINET. C., Chacun sa pierre, une expérience d’adaptation de notre enseignement : l’imprimerie à l’école, Ecole Emancipée, n° 8, 15 novembre 1925.

218.

- FREINET. C., FREINET. E., L’école buissonnière, film de JP Le Chanois, René Château Vidéo, 1949.