Les outils d’observation

Notre question de départ peut donc s’énoncer ainsi : en quoi le modèle actuel d’action publique met-il à l’épreuve l’exigence culturelle de juridicité formulée par la psychiatrie publique depuis l’après-guerre ?

Nous avons donc cherché des méthodes qui respecte le choix d’une telle question. Caractériser l’exigence culturelle qui nous préoccupe nécessite une étude diachronique, étudier sa mise à l’épreuve un travail synchronique. Dans les deux cas, une connaissance du droit positif en vigueur s’impose. Le croisement de plusieurs regards est opportun : un regard sur le rapport entre passé et présent, un regard sur le rapport entre discours ordinaire et discours de représentation.

Dans une perspective diachronique, afin de retrouver les formes de cette demande de juridicité, il nous faut reconstituer les lieux de son expression : notre premier matériau est donc constitué des archives de la Direction Générale de la Santé et de la revue syndicale psychiatrique, L’Information Psychiatrique, depuis 1945. Ce matériau est complété par les traces d’une multitude d’événements psychiatriques (congrès, grèves, rédactions de projets de loi, etc.). Nous espérons de telles sources qu’elles fassent surgir les moments normatifs forts de l’histoire de la psychiatrie publique, inscrits dans une histoire politique et juridique plus large.

La seconde perspective analytique, synchronique, impose de trouver un terrain d’enquête répondant à plusieurs conditions : il nous faut rechercher des équipes soignantes exerçant dans des conditions proches, et auxquelles s’applique un même droit nouveau. Deux lieux d’investigation ont donc retenu notre attention : le secteur desservant la Commune de Rillieux-La-Pape, rattaché au Centre Hospitalier Spécialisé Le Vinatier (Bron) et celui rattaché à l’Etablissement public de santé mentale de Maison Blanche (Neuilly-Sur-Marne), dans l’Est parisien. Ces deux ensembles de services psychiatriques publics ont en effet entre autres points communs d’être sectorisés, implantés en milieu urbain, dans des zones accueillant des populations dites défavorisées. Leur exploration n’est pas conçue comme un moyen exclusif de connaissance d’un milieu psychiatrique : tout ce qui peut d’après nous constituer la manifestation d’un trait culturel de la psychiatrie publique doit être retenu. C’est notamment pour cette raison que nous avons retenu un troisième matériau d’enquête localisé dans la ville de Pierre-Bénite, afin de confronter des visions émanant d’acteurs non exclusivement psychiatriques, à l’occasion d’un travail spécifique sur la question des réseaux.