Terrains d’étude

Outre la nécessité que le choix de deux secteurs psychiatriques, l’un en banlieue lyonnaise, l’autre en région parisienne, réponde à des exigences pratiques du déroulement de la recherche, il s’avérait important de se situer sur un terrain vierge des investigations scientifiques. L’accès à un terrain n’a pas été d’emblée facilité. En effet, plusieurs tentatives ont été menées en direction de l’établissement de Saint-Jean de Dieu, mais elles ne s’avérèrent pas propices.

Partant, nous avons trouvé un terrain plus favorable au Centre Hospitalier du Vinatier, plus habitué peut-être à l’intrusion de chercheurs, qu’ils soient historiens, ethnologues, philosophes, sociologues ou économistes. Deux exemples en attestent. Tout d’abord, la constitution d’un groupe de travail "Culture à l’hôpital" dans le cadre d’une convention entre la DRAC et l’Agence régionale de l’hospitalisation en juillet 2000 a débouché sur un travail pluridisciplinaire, notamment avec des chercheurs de l’Université Lyon 2, coordonné par la FERME du Vinatier50, unité culturelle du Centre Hospitalier Spécialisé51. Ensuite, l’implantation de l’Observatoire Régional sur la Souffrance Psychique en Rapport avec l’Exclusion (ORSPERE) à l’hôpital même, depuis 1993, qui se concrétise par des actions de recherche et de formation sur la clinique psycho-sociale, est de nature à renforcer une ouverture aux regards extérieurs52. Nous avons mené une enquête de terrain sur l’un des secteurs psychiatriques dont Le Vinatier a la charge, le secteur 69 G07, et plus spécifiquement sur l’équipe soignante assurant des soins à la population de Rillieux-La-Pape53. Ce secteur, qui comprend une unité d’hospitalisation au Centre Hospitalier et des services extra-hospitaliers variés n’avait jamais fait l’objet d’une investigation sociologique. Le personnel travaillant au Centres Médico-Psychologique de Rillieux-La-Pape a constitué notre population d’enquête54.

Un terrain lyonnais, plan de situation :
Un terrain lyonnais, plan de situation :

Notre second terrain d’enquête concerne un autre secteur psychiatrique, le secteur 27, qui a la charge d’une population résidant dans le quartier de Belleville, dans le XXème arrondissement de Paris. Ce secteur comprenait une unité d’hospitalisation à l’Hôpital Maison Blanche de Neuilly sur Marne jusqu’en 2004, désormais située à l’hôpital de la Croix Saint-Simon dans le XXème arrondissement de Paris. L’accès à ce terrain n’a pas posé spécialement de problème. Le chef de service de ce secteur nous a d’ailleurs fourni un ensemble de données internes au service (projet d’établissement, Rapports d’activité du secteur, Rapports du département d’information médicale, etc.). Comme pour notre étude lyonnaise, nous avons restreint notre population d’enquête au personnel travaillant au Centres Médico-Psychologique, d’une part parce qu’il est l’organe visible de l’institution psychiatrique dans la cité, et d’autre part parce qu’il regroupe des praticiens travaillant selon des proportions variables en intra et en extra-hospitalier. Ce choix doit donc permettre d’avoir une restitution assez complète des prises en charge (de l’hospitalisation à la consultation à domicile).

Un terrain psychiatrique parisien, plan de situation :
Un terrain psychiatrique parisien, plan de situation :

Nous avons complété ces deux terrains d’enquête "psychiatriques" par un troisième. Notre travail n’est en effet pas limité au questionnement de visions psychiatriques du monde en concurrence : il a également intégré une interrogation sur la représentation par les acteurs de la ville de la psychiatrie, de la souffrance psychique, de la maladie mentale. Nous avons donc réalisé une série d’entretiens auprès des acteurs non psychiatriques de la commune de Pierre-Bénite, en région lyonnaise. Ce site a été choisi en fonction de différentes caractéristiques dont la principale est l’existence d’une population dite précarisée vivant en milieu urbain. Nous verrons dans notre développement que ce terrain importe spécifiquement quant à l’étude de la genèse des dispositifs de réseau en santé mentale. Ainsi, si l’on compare les trois terrains d’enquête choisis, chacun d’entre eux se trouve à une étape différente dans la création d’un dispositif de réseau alliant la psychiatrie et les acteurs de la cité.

Un terrain complémentaire : les acteurs de Pierre-Bénite
Un terrain complémentaire : les acteurs de Pierre-Bénite
Notes
50.

Fondation pour l’Etude et la Recherche sur les Mémoires et l’Expression, Le Vinatier, Bron.

51.

Jean-Paul Ségade, directeur général du CH Le Vinatier déclarait ainsi en 1999 : "le projet institutionnel de la ferme du Vinatier est donc à la fois un pari sur la culture et l’histoire de l’hôpital, la recherche d’une identité professionnelle commune, l’ouverture vers l’extérieur, mais aussi un regard sur son histoire, la maturité de la prise en compte de son évolution, la modestie dans l’action des hommes" (Jean-Paul Ségade, "Culture et santé sont étroitement liées", Le Vinatier un hôpital en travail, Editions la Ferme du Vinatier, 1999, p. 6).

52.

Nous avons d’ailleurs mené récemment une conférence avec Christian Laval, sociologue à l’ORSPERE, au Centre Hospitalier de Vienne, sur le thème des "réseaux de santé mentale", Vienne, 24 juin 2004.

53.

Le secteur 69 G07 couvre les communes de Rillieux-La-Pape, Neuville sur Saône, Sathonay, Genay, Montanay, Fleurieu et La Rochetaillée.

54.

L’intérêt d’un tel terrain réside dans le fait que le personnel du Centres Médico-Psychologique n’y exerce pas exclusivement. Nous pouvions donc espérer saisir des représentations différentes entre le personnel travaillant exclusivement en extra-hospitalier et celui ayant une pratique mixte (intra et extra-hospitalier).