B-1- L’argument thérapeutique : l’intégration du patient à un droit pénal commun

Pour chaque projet de réforme envisagé, les termes du débat chez les psychiatres sont toujours les mêmes : il s’agit de réfléchir sur le rapport entre responsabilité du malade et responsabilité du psychiatre120 et plus largement sur l’articulation entre le psychiatrique et le judiciaire au procès. Pour notre analyse, la référence à un terrain théorique et doctrinal (psychothérapie institutionnelle, psychanalyse, phénoménologie...) peut produire l’illusion d’une vertu performative des énoncés savants, doublée d’un privilège accordé aux individus qui les prononcent. Une pure histoire des idées n’est pas notre objet.

Nous choisirons donc de sociologiser ces énoncés selon c’est-à-dire selon la place occupée par leurs auteurs dans un ensemble socio-politique plus vaste. Pour la période qui nous intéresse, nous recourrons donc principalement aux discours des représentants syndicaux de la profession depuis l’après-guerre. Plus précisément, nous tenterons de reconstituer les traits tout à la fois de la profession et de sa culture, en mobilisant les références sur lesquelles les porte-parole de la psychiatrie se fondent pour justifier l’exigence d’un procès pénal comme lieu symbolique utile au malade mental délinquant.

Notes
120.

A titre d’exemple, nous rappelons que le 5 novembre 1976, le syndicat des Psychiatres des Hôpitaux se réunit et que deux positions antagonistes apparaissent : l’une prônant l’abolition de l’article 64 car il déresponsabilise le malade mental et responsabilise le psychiatre, l’autre souhaitant le conserver craignant qu’une judiciarisation n’entraîne le maintien à l’hôpital sans décision médicale possible de sortie, "Compte rendu des travaux de la commission déontologie et justice du Syndicat des psychiatres des hôpitaux", L’information psychiatrique, Vol 53, n°3, 1977, p. 268.