Tout comme pour la despécification pénale, les psychiatres défendent un droit civil commun en invoquant des raisons thérapeutiques, notamment en vue d’une inscription symbolique du malade dans la communauté. Aux origines de telles revendications, on retrouve encore des représentations marquées par la psychothérapie institutionnelle et la psychanalyse.
L’abandon d’un régime civil spécial lié à l’hospitalisation consacré par la loi du 3 janvier 1968 répondra aux revendications psychiatriques. Il ouvrira alors un espace de protection commun faisant intervenir d’autres acteurs que les psychiatres, espace modifié par la loi du 30 juin 1975 qui institue une allocation d’assistance aux "handicapés psychiques". La conjugaison pratique de ces deux lois transforme le rapport entre les professionnels de la psychiatrie et d’autres acteurs issus du champ judiciaire et social : tout se passe alors comme si la détermination du régime civil par l’hospitalisation instauré par la loi de 1838 avait laissé place à la détermination médicale du destin social du malade. Face à cette dérive, les psychiatres mobilisent un discours allant dans le sens d’une défense de l’identité médicale de la profession.
Ainsi, tout comme les psychiatres opposaient à la responsabilisation du malade mental une compétence spécifique garante de leur rôle de tiers dans le rapport entre la société et l’accusé, ils réitèrent le même type d’argumentation au fondement de leur indépendance quant aux choix et à l’application d’une "politique d’assistance" dispensatrice d'allocations sociales. Ces dernières rendent en effet possible l'alternative à l'hospitalisation mais transforment dans le même temps le rôle du médecin dans la décision des mesures de protection des biens. Dans ce développement, nous tentons donc de mettre en évidence les caractéristiques d’une identité psychiatrique construite sur une tension entre l’exigence de despécification civile du malade mental et la défense d’une compétence psychiatrique spécifique.