A-2- La consécration juridique de l’isolement thérapeutique

Jusqu'en 1838, les insensés dépendent à la fois des municipalités et de la justice qui doit procéder à leur interdiction. En attendant celle-ci, on les entasse dans des prisons ou dans les rares cabanons des hôpitaux. Plusieurs rapports sur l’état des maisons où sont détenus des aliénés sont successivement demandés à des médecins, parmi lesquels on compte Ferrus et Esquirol433. Mais peu d’établissements seront construits. Parallèlement, le système d’assistance sous contrôle privé se développe avec la fondation de plusieurs asiles ou maisons religieuses pour aliénés. La multiplication de ces maisons suscite la méfiance du gouvernement qui prend des mesures de contrôle afin d’empêcher les séquestrations abusives434.

Le 29 juin 1835, une circulaire soumet la question des aliénés à la délibération des conseils généraux sensés éclairer le gouvernement en vue de l’élaboration d’une future législation. En 1832, le gouvernement propose que l’entretien des insensés indigents soit à la charge des municipalités, mais la Chambre des députés rejette ce projet. Le 14 septembre 1833, le ministre de l’Intérieur adresse une circulaire à tous les préfets afin d’obtenir de nouveaux renseignements sur la situation des aliénés. En 1834, Ferrus, médecin de Bicêtre, est chargé par le conseil général des Hospices, d’une enquête sur les établissements d’aliénés en Angleterre, pays de référence en la matière. Dans son rapport “ Des aliénés ”, il étudie les résultats de l’enquête pratiquée auprès des préfets en 1813 et propose d’accueillir dans les futurs asiles les débiles mentaux et les incurables. Le 29 juin 1835, une circulaire soumet la question des aliénés à la délibération des conseils généraux sensés éclairer le gouvernement en vue de l’élaboration d’une future législation.

Notes
433.

En 1817, Esquirol, alors médecin-chef de la Maison Royale de Charenton, est chargé de présenter un rapport au Roi qui prend la dimension d’un véritable réquisitoire contre l’état des maisons où sont détenus les aliénés ; il propose un projet comprenant un petit nombre d’établissements disposant de 150 à 200 lits pour malades curables, un par Cour d’appel, les incurables étant renvoyés après deux ans. Les travaux d’Esquirol trouvent un écho auprès du gouvernement qui adopte la circulaire du 16 juillet 1819 : Guizot, alors directeur de l’administration départementale et communale, crée une commission d’études chargée d’étudier la question. En font partie Esquirol et Pinel entre autres médecins ainsi qu’un architecte et un administrateur des Hospices prévoyant la construction de ces asiles, tout en interdisant l’aménagement des quartiers d’hospices. Cette circulaire pointe la nécessité pour les aliénés d’être "placés dans des établissements qui leur soient exclusivement consacrés et invite les préfets à suspendre les fonds destinés à assainir ou augmenter les quartiers occupés par des aliénés dans les hospices ou les dépôts de mendicité, pour les affecter à la construction de "maisons centrales d’aliénés" (Circulaire ministérielle n°55 du 16 juillet 1819 signée par le comte Decazes, ministre de Louis XVIII, in Bollotte G. "Il y a 150 ans…", L’information psychiatrique, janvier 1965, n°1, pp. 59-60). En 1832, le gouvernement propose que l’entretien des insensés indigents soit à la charge des municipalités, mais la Chambre des députés rejette ce projet. Le 14 septembre 1833, le ministre de l’Intérieur adresse une circulaire à tous les préfets afin d’obtenir de nouveaux renseignements sur la situation des aliénés. En 1834, Ferrus, médecin de Bicêtre, est chargé par le conseil général des Hospices, d’une enquête sur les établissements d’aliénés en Angleterre, pays de référence en la matière. Dans son rapport "Des aliénés", il étudie les résultats de l’enquête pratiquée auprès des préfets en 1813 et propose d’accueillir dans les futurs asiles les débiles mentaux et les incurables.

434.

L’ordonnance du préfet de police De Belleyme du 9 août 1828 soumet ainsi l’ouverture d’une maison de santé à l’autorisation préalable du préfet de police. L’ordonnance reprend en fait l’ensemble des règles d’admission dans les hospices : on prévoit des dispositions concernant les admissions, la présence médicale, l’articulation entre pouvoirs judiciaire et administratif. Préfigurant la loi et ses textes d’application, elle impose au médecin des établissements d’aliénés l’obligation d’y résider. En province cependant, les usages varient beaucoup.