Chapitre I - Le patient au cœur d’un Contrat

D’après Pierre Lascoumes, "le droit constitue un excellent révélateur de l’état des représentations d’un problème à un moment donné et du mode de traitement qu’on choisit de lui appliquer".935 Déplorant qu’en science politique, les prises de position étudiées soient rarement appréhendées au plan symbolique, Olivier Paye opte pour une définition de la représentation désignant entre autres "la philosophie sur laquelle est censée être érigée et fonctionner une organisation (syndicale, partisane, parlementaire…)"936. S’appuyant sur les travaux de Philippe Braud937 et de Pierre Bourdieu938, Olivier Paye pose que "la représentation politique produit/reproduit toujours peu ou prou des représentations sociales qui révèlent et construisent un certain rapport au monde et une certaine identité sociale" 939. Il nous a donc semblé utile de revenir aux débats parlementaires qui ont précédé la loi du 27 juin 1990, complétée par la loi du 4 mars 2002940, pour en faire une "analyse de contenu" pour ensuite les confronter aux attentes des représentants de la profession psychiatrique ou des praticiens les plus ordinaires.

La résistance au droit nouveau qui est institué depuis le début des années 1990 est de nature à nous informer sur la nature même de ce droit. Nous entendons le terme résistance selon deux acceptions. Tout d’abord, il désigne les phénomènes d’ineffectivité attribués à l’inadéquation entre les contraintes objectives pesant sur l’application du droit : cette dimension nous permet de qualifier le droit de "formel" au sens où il est inadapté à la réalité pratique de la psychiatrie publique. Ensuite, il correspond aux résistances subjectives issues d’une culture professionnelle caractéristique de la psychiatrie de secteur, telle que nous l’avons décrite dans la première partie de notre thèse. L’analyse de cette seconde dimension conduit à la mise en valeur d’un droit commun aux patients coexistant avec un droit spécifique à la contrainte. Autrement dit, la résistance du segment professionnel étudié révèle la véritable nature d’un droit conçu indépendamment de la spécificité socio-historique de son objet. Toutefois, notre développement intègre les phénomènes d’adéquation entre les attentes psychiatriques et l’ensemble normatif nouveau qui est proposé par le législateur. Enfin, nous verrons que des contraintes objectives induisent une pratique particulière d'un droit formel, pratique entrant parfois en contradiction même avec les objectifs affichés dans la loi.

Notes
935.

Pierre Lascoumes, L’éco-pouvoir, environnement et politiques, Paris, La Découverte, 1994, p. 112.

936.

Olivier Paye, "Approche socio-politique de la production législative : le Droit comme indicateur de processus de décision et de représentation politique", in La judiciarisation du politique, op. cit., p. 235.

937.

Philippe Braud, L’émotion en politique, PFNSP, 1996, pp. 76-88.

938.

Cf l’article "Espace social et genèse des classes" de Pierre Bourdieu que nous utilisons largement.

939.

Olivier Paye, "Approche socio-politique de la production législative : le Droit comme indicateur de processus de décision et de représentation politique", op. cit., p. 236.

940.

Cf. annexe.