A-2- Le renforcement juridique de l’expertise médicale

La loi du 30 juin 1838 conditionnait le placement d’office de la personne dont l'état d'aliénation aurait pu compromettre l'ordre public ou la sûreté des personnes, à un ordre motivé du préfet1070. Mais si l’ancien article L. 343 du Code de la Santé Publique prévoyait deux critères au placement d’office (le danger pour l’ordre public et la maladie mentale cause de ce danger)1071, il ne conditionnait pas la décision à un avis médical systématique. En cas de danger imminent pour la sûreté des personnes, l’autorité administrative pouvait en effet agir en l’absence de médecin. Le fait pour l’arrêté préfectoral de police administrative de se baser sur certificat médical n’était qu’une possibilité1072. Dans la pratique cependant, "l’avis médical préalable et concordant ne manquait pratiquement jamais"1073. C’est ce "presque jamais" que la loi de 1990 a voulu interroger en multipliant les occasions pour le médecin de cautionner un acte de contrainte à l’égard d’une personne jugée atteinte de troubles mentaux.

Notes
1070.

D’après les articles 18, 23 et 24 de la loi de 1838, le préfet doit statuer dans les 24 heures sur toute mesure provisoire. Hospices, hôpitaux et communes sont astreints aux réceptions provisoires mais en aucun cas les aliénés ne peuvent être déposés dans une prison.

1071.

Dans les faits, le Docteur Michel Henne reconnaît en 1960 que le placement d’office a pu être préféré au placement volontaire en l’absence de tout danger avant l’unification des dispositions financières de prise en charge de tous les malades mentaux par les collectivités, car il entraînait une prise en charge automatique. De la même façon, de jeunes enfants ou des vieillards étaient hospitalisés d’office par "commodité" en l’absence de famille signant la demande de placement volontaire. Michel Henne signale que l’on voit encore en 1960 des arrêtés de placement d’office concernant des enfants en bas âge que l’on déclare avec exagération "dangereux pour l’ordre public et la sûreté des personnes" (Michel Henne, "Question de médicat", L’information psychiatrique, mai 1960, n°5, p. 697).

1072.

Le caractère facultatif de l’avis médical expliquait en retour que l’administration préfectorale ne levait pas toujours les placements d’office lorsque les médecins le demandaient. Mr Massat, Compte rendu de la réunion du 2 octobre 1986, groupe de travail présidé par Zambrowski, p. 5 (Documents DGS).

1073.

Michel Henne, "Question de médicat", L’information psychiatrique, op. cit., p. 698.