B- Les dérives de la loi

Nous entendons par "dérives de la loi" les pratiques qui vont à l’encontre des objectifs affichés par les rédacteurs de la loi de 1990, qui se sont développées par respect des formes de la légalité. Deux types de dérives peuvent être distingués : la généralisation des procédures d’urgence et les conséquences de la restriction du tiers demandeur (dans le cadre des hospitalisations sur demande d’un tiers). Si nous incluons ce genre de dérives au rang des preuves du caractère formel de la loi de 1990, c’est parce qu’elles sont d’après nous issues de l’oubli législatif de contraintes spécifiques à la psychiatrie publique : ainsi, l’augmentation des mesures d’urgence est en partie liée à la difficulté de trouver concrètement le médecin rédacteur du second certificat exigé par la loi dans le cadre d’une hospitalisation sur demande d’un tiers ; le même constat peut se faire quant à la question du tiers demandeur puisque le tiers est parfois introuvable ou contre-indiqué par les psychiatres eux-mêmes. Tout se passe donc comme si la matérialité de l’exercice public de la psychiatrie, résidant ici dans la pénurie de psychiatres hospitaliers mais également dans la particularité de la maladie mentale, resurgissait en dépit des injonctions légales. Pour mener à bien notre raisonnement, nous nous efforcerons d’exercer un regard critique sur les données quantitatives produites au niveau national sur l’évolution générale des modalités d’hospitalisation contrainte. Nous aurons également à cœur de comparer des données nationales avec d’une part des évaluations locales, et d'autre part avec les témoignages de praticiens du secteur.