Chapitre III – Des pratiques qui résistent à l’objectivation

Deux pistes d’interrogations ont été choisies dans ce chapitre. La première consiste à apprécier la contestation d’une procédure d’évaluation des soins psychiatriques ; la seconde réside dans l’examen de ce qui est perçu par le segment professionnel du secteur comme une objectivation sociale du psychiatre et de son patient. Si ces deux points sont pensés ensemble dans un même développement, c’est parce qu’ils donnent à voir les psychiatres du monde public mobilisés contre une conception selon laquelle tout savoir s'évalue de la même façon, et que tout savoir doit pouvoir être requis pour produire des effets en matière de gestion des problèmes sociaux.

Les traits d’une culture professionnelle, tels que nous les avons identifiés dans notre thèse, resurgissent dans une résistance à l’objectivation d’un sujet, malade ou soignant, dont attestent aussi bien des actes destinés à défendre la profession dans son entier que des témoignages ordinaires des psychiatres de secteur. L’unité des objets que nous allons soumettre à l’analyse réside dans le fait qu’ils questionnent tous les deux un aspect de la culture professionnelle psychiatrique de secteur. Ainsi, d’une part, l’évaluation du soin psychiatrique proposée par les pouvoirs publics interroge à la fois la dimension médicale et la dimension psychiatrique de cette culture ; et d’autre part, l’extension de compétence du psychiatre met à l’épreuve le rapport ambivalent que la psychiatrie de secteur entretient avec le social. L’ultime développement de notre thèse, consacré à une nouvelle "théorie de la pratique" psychiatrique présente ce que nous considérons comme le moyen pour la psychiatrie de secteur de continuer à constituer un groupe professionnel au sens de Durkheim.