2 - L’usager, …les relations quotidiennes du « public » !

Pour M.Bassand et D.Joye, l’usager est reconnu pour être en même temps « habitant » et « citoyen ». ‘«’ ‘ Nous avons affaire donc à un acteur tricéphale : chaque individu vivant dans une métropole est à la fois habitant, usager, citoyen à des degrés divers ’ ‘»’ ‘.’ ‘ 83

Et ils expliquent que cet acteur acquiert le statut de l’usager en s’appropriant spécifiquement des services métropolitains : transports, service de santé, enseignement, culture…En effet, ils expliquent la « force » de « l’usager », voire même ses nouvelles compétences par son association aux deux autres termes, le citoyen et l’habitant qui forme un acteur de « troïka » pour désigner le « public ». Il serait intéressant de vérifier la pertinence de ce trio d’Habitant-Usager-Citoyen qui semble résumer le « public », principal acteur dans cette nouvelle culture urbaine.

Mais si nous continuons à interroger ce vocable « d’usager », on remarque bien comment ce dernier a pris une grande importance depuis quelques années, avec la renaissance même des sciences sociales qui tentent d’expliquer et de participer à la gestion de la ville et de son public.

‘« L’usage même conçu dans un sens élargi faisant intervenir pratiques objectives mais aussi investissements psychologique, social, idéologique, implique le rapport de l’individu à un objet concret dont il se sert. C’est dire qu’on ne peut penser usage sans faire référence à une forme existante, à un modèle, à stéréotype ».84

«  L’usager » associé à « l’usage » qu’il fait n’est plus ainsi ce consommateur passif, mais au contraire, il est devenu un « homme » qui sent, perçoit et se fait des représentations de la ville avec qui il a des relations ou avec son « public » et ses « espaces ».

‘« L’appropriation d’un lieu se réfère à l’usage qui en est fait, en fonction de la représentation que chacun a du lieu. Ainsi, l’observation montre différentes populations qui s’approprient certains squares de centre ville de diverses façons : que ce soient les clochards du quartier qui en font leur résidence principale, leur « chez eux », les mamans et leurs enfants qui l’utilisent comme leur jardin, les enfants comme leur cour de jeux, ou les amoureux comme leur lieu d’intimité ».85

Dans cette vision « psychologique » du terme, le « public » que nous désignons ici par « l’usager » semble aussi acquérir de nouvelles compétences tout en mobilisant ses différentes ressources culturelles, religieuses, ethniques…qui guident ses relations et ses usages, ces nouvelles compétences qui alimentent le « référentiel » du public que nous essayons de construire.

Or quel(s) type(s) d’usagers trouve-t-on aujourd’hui dans l’espace public beyrouthin ? Quel(s) type(s) de relation(s) a-t-il avec son espace ? Est-ce un simple usage de consommation banale ? Ou bien un lien plus profond avec un espace plein de mémoires ?

Nous terminons ainsi cette deuxième définition par cette « belle » citation qui dessine bien les nouvelles compétences de ce « public » qu’est « l’usager », en se demandant ainsi combien ce « public » semble aujourd’hui être complexe, large, ambigu et indéfini.

‘« L’usager, celle ou celui qui a l’habitude de se servir d’un outil, d’utiliser une bicyclette, d’user d’une langue, n’en est pas moins pour autant un ( ou une ) habitant (e) d’un lieu et un (ou une ) citoyen (ne) d’une société. Il ( ou elle) est aussi un client ou un consommateur potentiel, puisqu’il (ou elle) est avant tout un être humain, un mortel qui existe, là, et tente de laisser s’exprimer la pluralité de son « moi » sans accepter le morcellement, l’émiettement de sa personnalité. L’usager reste entier et refuse de se diviser et de jouer une infinité de rôles. Cette unité lui confère son identité et lui permet, à tout instant et en tout lieu, d’être un usager du monde ».86

Notes
83.

BASSAND M., JOYE D., « L’usager, un acteur complexe », in Urbanisme, N°307, « L’usager », 1999, p.57.

84.

VOGEL R., « Henri Lefebvre et l’usage, retour aux sources », in BASSAND M., COMPAGNON A., JOYE D., STEIN V., « Vivre et créer l’espace public », ed. Presse Polytechniques et universitaires Romandes, Lausanne, 2001, p.63.

85.

VINCENT B. et EISCHER G.N., « La perception de l’espace : mieux comprendre l’espace vécu », in TORTEL M., « Une autre lecture de l’espace public. Les apports de la psychologie de l’espace » : Interventions réalisées sur ce thème lors de l’atelier « perception de l’espace », compte rendu des journées, « perceptions de l’espace », rapport CERTU, ed. CETE, Lyon, 1999, p.14.

86.

PAQUOT T., op.cit., in Urbanisme, N°307, « L’usager », 1999, p.51.