7- L’espace public « Moderne » ou l’espace public de la ville fonctionnelle 

L’espace public urbain de la ville fonctionnelle va perdre toute signification et toute autonomie pour se réduire à un espace de « circulation » dans les rues et à un espace « libre » dans les zones résidentielles.

‘« A l’époque de la construction de ces ensembles de logements, l’espace de la ville n’était pas « public » mais « libre » ou « libéré » : Pour les modernes c’est la quantité de cet espace qui compte et non pas sa qualité : Ainsi on constate une absence de théorisation et de définition de l’espace collectif dans les textes de références de la Charte d’Athènes ».103

L’urbanisme ici s’intéresse à la fonctionnalité qui prime sur toute autre dimension : L’espace public urbain est un espace fonctionnel, voire même monofonctionnel qui a perdu toute qualité « physique » ou « sociale » et évidemment « symbolique » ou « politique ».

C’est l’espace de l’automobile qui doit « circuler » librement et facilement :

‘« L’automobile commande et impose ses espaces dans la ville héritée qui sera traversée par les autoroutes et les voies rapides urbaines…L’espace public résiste mal à la distribution fonctionnelle des espaces et à la temporalité qu’autorise désormais la mobilité automobile…son appropriation se réduit à la mobilité »104

L’espace public est livré à la ségrégation des activités, divisé et déchiré en morceau selon les « besoins urbains ».

mais cette dévalorisation de l’espace public à travers le refus des espaces publics traditionnels va se traduire par l’émergence des centres commerciaux et des grandes surfaces comme nouveaux type d’espaces publics, voire comme « espace civique » d’échanges culturel, social…Sans toute fois oublier que durant cette époque, un premier concept commence à prendre place pour désigner la rue, la place, l’espace extérieur, le lieu de rencontre et d’échange, voire ce que signifie l’espace public, ce concept c’est le « centre civique » crée en 1951, par le 7ème Congrès International des Architectes Modernes ( CIAM ), pour désigner déjà même métaphoriquement toute forme d’échange entre les citoyens, mais aussi de manière directe et concrète, tous ces lieux, généralement ouverts, où se croisent et se rencontrent les citadins.

‘« Quel que soit le signifiant, il s’agissait d’un concept dont le signifié désignait à la fois des lieux ouverts où se déroulait la vie collective des citadins et des lieux symboliques, porteurs de la personnalité d’une ville. »105

Comme si c’est le refus de « l’espace public » de se soumettre totalement aux bulldozers et aux tapis des voitures pour s’exploser ailleurs dans des « projets de concepts », dans des théories ou des écritures.

Ainsi, l’espace public Moderne, c’est le « centre civique » théoriquement et « l’espace libre » et  « fonctionnel » pratiquement, c’est l’espace de la ville en crise qui vient confronter un premier « ami-ennemi », l’espace de la mobilité et de la circulation, c’est l’espace de la voiture.

Ainsi, entre le paradoxe de la culture et de la pratique, je termine ce paragraphe avec les qualités culturelles de cet « espace public moderne », des qualités qui restent à comprendre en observant « l’espace monstre » crée à cette époque.

« La qualité architecturale des espaces publics étant une donnée plutôt culturelle que physique, on l’appréhende forcément dans le contexte d’un système de valeurs. Les valeurs fondamentales de l’urbanisme moderne, l’espace (l’hygiène) et la verdure ».106

Mais un espace réduit à l’hygiénisme et une « verdure » traduite par une quantité, suffit-il à qualifier un espace public tout en gommant toute dimension sociale, symbolique, culturelle ou politique ?

Notes
103.

DEHAM P. et JULLIEN B., « Au détour des chemins de Grue », in « PICON-LEFEBVRE V. ( sous la dir. ), « Les espaces publics modernes », situations et propositions, Le Moniteur, Paris, 1997. »

104.

VOISIN B., op.cit., 2001,p.48.

105.

TOMAS F. (dir.), « Espaces publics, architecture et urbanité, de part et d’autre de l’Atlantique », Publications de l’université de Saint-Etienne, Saint-Etienne, 2001 », p.13.

106.

DARIN M., « Les bons espaces public modernes », in « PICON-LEFEBVRE V. ( sous la dir. ), « Les espaces publics modernes », situations et propositions, Le Moniteur, Paris, 1997. »