Section 1 : la ville phénicienne et le mythe des origines

Le site de l’ancien Tell situé au Nord de la place des Matryrs a dévoilé des enceintes successives du bronze ancien ( 2200 av. J.C.) aux perses ( 6ème et 5ème siècle av. J.C.).213

Ce site remarquable a dévoilé des vestiges cananéens ( le grand mur ), le glacis phénicien et la muraille perse.

Figure 10. Le site de l’ancien Tell
Figure 10. Le site de l’ancien Tell Source : www.solidere-online.com

Selon le comité scientifique international ( CSI ) mobilisé par l’UNESCO en tant que consultant archéologique, ce site possède des critères remarquables pour être préservé in-situ : un critère scientifique, symbolique, monumental, esthétique et assez riche en histoire.214

Pour ces critères, ce site a bénéficié d’une protection par décret ministériel. Il sera intégré dans un musée archéologique en sous-sol, conciliant ainsi une intégration in situ des vestiges avec l’axe vers la mer proposé dans le projet d’aménagement de Solidere.

D’autre part, un quartier phénico-perse a été retrouvé sous les souks (al Tawilet ), dévoilant ainsi une trame urbaine assez remarquable. Ce site a bénéficié également d’une protection par décret ministériel pour être conservé in situ et intégré dans le nouveau projet des souks.

Ainsi, ces vestiges appartenants à l’époque phénicienne seront conservés in situ, bénéficiant d’un décret ministériel.

Figure 11. Localisation des vestiges phénico-perses
Figure 11. Localisation des vestiges phénico-perses Source : www.solidere-online.com

Cette époque représente le mythe des origines, le point « zéro »215 de la ville, bien qu’on ne connaît pas toujours si cette ville a existé avant.

En effet, vers le 14ème siècle av.J.C., les Phéniciens fondèrent des Cités-Etats ( Tyr, Byblos, Sidon…) ayant des gouvernements autonomes selon un système de fédérations liés ensemble par des liens plutôt économiques et culturels que politiques. Quant à la ville de Beyrouth, son noyau urbain se développa durant cette époque ( 1500 av.J.C. ) sous forme d’une cité haute, fortifiée, et d’une ville basse, à proximité du port « Birûta ».

Ces deux symboles économiques et culturels ont été retissés et prônés par Solidere avec les plans de 1994 : une ville culturelle ( spécificités locales ) et un centre d’affaire. (modernisation ). D’où l’intérêt de Solidere de communiquer sur les vestiges découverts et protégés de cette époque, qui représente le rôle « moderne-antique » de Beyrouth.

D’autre part, cette époque symbolise pour une grande partie des libanais, ( en particulier des chrétiens ) leur genèse (socio-politique) et leur différenciation des arabes. 216

May Davie parle d’une référence idéologique favorisée durant le Mandat français pour « créer » des identités nationales diversifiées.217

Un premier constat ressort ainsi des différentes représentations suscitées par cette époque : un symbole économique et culturel pour Solidere et un symbole socio-politique pour une grande partie des libanais en général et des beyrouthins en particulier. Cependant, une constante semble être mobilisée chez la plupart des parties : le mythe des origines : des origines urbaines pour quelques-uns, des origines culturelles et socio-politiques voire même idéologiques pour d’autres. Des représentations qui devraient être lues avec toutes leurs dimensions, une fois mobilisées dans l’espace public.

Notes
213.

BORDE A., « aménagement et archéologie ; le cas de Beyrouth », mémoire de fin d’études, ENTPE, 1999, p.65.

214.

BORDE A., « aménagement et archéologie ; le cas de Beyrouth », op.cit. p.69.

215.

LORET S., « les objets patrimoniaux au service de la représentation de la reconstruction du centre-ville de Beyrouth », op.cit., p.116.

216.

DAOU B., « Histoire religieuse, culturelle et politique des Maronites », Editions Le livre préféré », Sid-El-Baoucherieh, Beyrouth, 1985.

217.

DAVIE M., « enjeux et identités dans la genèse du patrimoine libanais », op.cit. p.67.