Section 3 : L’époque romaine ou le mythe de la citadinité

La ville romaine de Beyrouth a été la mieux connue grâce aux travaux de l’archéologue Jean Lauffray qui effectua des fouilles durant les années quarante en partenariat avec la Direction générale des antiquités.

‘« Le forum, les citernes au sud de la rue Weygand, la basilique et les axes orthogonaux de la ville romaine – Cardo Maximus et Decumanus Maximus – sont identifiés. L’école de droit n’est pas retrouvée, mais hypothétiquement située sur la zone des églises, entre la place de l’Etoile et la place des Martyrs. »223
Figure 13. Localisation des vestiges romains
Figure 13. Localisation des vestiges romains Source : www.solidere-online.com

Sur la place de l’Etoile et sous l’emplacement de la Banco di Roma, on a retrouvé la limite sud du forum romain : un grand mur décoré et étalé sur 60 mètres. Ces vestiges possèdent un caractère monumental qui témoigne leur époque : une succession d’arcades et de niches très bien conservées. Ils ont été démontés par une équipe italienne pour permettre la construction du parking du parlement. Cependant, et suite aux demandes effectuées par le Conseil Scientifique International, un emplacement au sous-sol est dégagé pour les replacer au même endroit. Ils n’ont pas toujours été remontés.224 Ils seront ainsi conservés dans un espace privé, un parking.

Vers la rue Maarad et Ahdab, des bains romains et une basilique ont été découverts et démontés au lieu d’être conservés in situ.

Enfin, le Cardo a été identifié dans la zone des églises : il représente un tronçon d’une rue romaine, voire un élément majeur de la trame urbaine de la ville romaine de Beyrouth.

Quant à l’école de droit, toujours non retrouvée, elle a été hypothétiquement située dans la zone des églises.

Ces vestiges retrouvés seront intégrés dans un parc archéologique in situ : ce parc devrait intégrer les monuments et les tracés de la ville romaine avec son école de droit. Vu la minimalité des vestiges retrouvés, Solidere s’est retrouvée obligée de justifier son choix du site : ce parc serait dorénavant un site d’accueil pour les vestiges en difficulté d’intégration d’une part et un jardin symbolique ( le jardin du pardon ) de la réconciliation. ( entouré des lieux de cultes).

Ici, c’est l’espace public qui viendra à la « rescousse » de l’archéologie contrairement à d’autres lieux du centre-ville : un espace public qui devrait, semble-t-il, symboliser ( et pas jouer) un rôle intégrateur de réconciliation.

Figure 14. Le Cardo Maximus dans site des églises
Figure 14. Le Cardo Maximus dans site des églises Source : Joseph SALAMON 2004

Enfin, les thermes romains ont été restaurés par Solidere et intégrés dans un jardin public : ils représentent les plus fameux bains romains de Beyrouth. Un des nouveaux espaces publics du centre-ville qui promeut plus que jamais la valeur culturelle et antique de Beyrouth. Le symbole du forum romain est ainsi utilisé dans ce jardin pour donner vie à ce projet et à ces espaces publics : lieu de concerts, de récréation et de festivals, cet espace fut l’un des premiers espaces publics du centre-ville choisis pour lui redonner vie et image positive.

Figure 15. Les bains romainsSource :
Figure 15. Les bains romainsSource : Joseph SALAMON 2004

Ces vestiges tracent des parties de la ville romaine de Beyrouth ( 332 av.J.C.-395 ap..J.C.).

Durant cette époque (332av.J.C.- 395 ap.J.C.), chaque cité phénicienne devint un centre international. Quant à la ville de Beyrouth, devenue colonie romaine sous le nom de « Colonia Julia Augusta Felix Berytus », elle fut proclamée comme centre civique et culturel international.225

Devenue ainsi une ville culturelle régionale, un centre civique monumental fut édifié à l’emplacement actuel de la place de l’Etoile,226 regroupant ainsi l’école de droit la plus célèbre de son époque.

Cette époque largement médiatisée par Solidere, symbolise en premier lieu les mythes de la citadinité : le forum romain et l’espace public des citadins.

Elle symbolise encore le « respect » de l’histoire antique par Solidere et sa construction d’une image positive et internationale à cet égard, surtout qu’elle sera largement dévoilée et intégrée dans l’espace public.

Elle symbolise enfin, l’aspect antique et culturel de la ville de Beyrouth, une nouvelle image largement recherchées par Solidere depuis la nouvelle version de 1994.

Enfin, cette époque, largement intégrées dans les nouveaux espaces publics, symbolise un nouveau type d’espaces publics : les espaces publics patrimoniaux.

Notes
223.

BORDE A., « aménagement et archéologie ; le cas de Beyrouth », op.cit. p.6.

224.

BORDE A., « aménagement et archéologie ; le cas de Beyrouth », op.cit. p.84.

225.

HITTI Ph., 1978, op.cit., p.271.

226.

HITTI Ph., 1978, op.cit., p.278. et TABET J., (dir.), « Beyrouth : la brûlure des rêves », Paris, Autrement, 2001, p.187.(chronologie )