Section 2 : l’époque ottomane. ( 1516-1918 ) Des symboles politiques et religieux au détriment des espaces publics ?

L’époque ottomane, comme l’époque arabe a été relativement occultée du projet actuel : les anciennes trames urbaines ont été ravagées, comme si elles n’avaient aucune valeur patrimoniale. Une grande partie de la vieille ville fut rasée durant le mandat français et fut remplacée par la place de l’Etoile. Quant aux souks, ils furent complètement rasés durant les années 90 dans le cadre du projet actuel. Un projet de reconstruction est prévu à leur place, ouvrant une polémique sur sa manière d’intégrer les mémoires des lieux. Ces derniers utilisés comme objets et non pas comme mode de vie.

Figure 24. Localisation des vestiges et monuments ottomans
Figure 24. Localisation des vestiges et monuments ottomans Source : www.solidere-online.com

Cependant, quelques bâtiments datant de cette époque ont été conservés pour leur symbole religieux ou politique : l’espace public jugé semble-t-il inexistant ( les deux théories déjà exposées) ou sans valeur. ( la destruction des souks).

Le grand sérail qui fut bâti en 1853 comme caserne pour l’armée turque a été restauré : ; il est utilisé aujourd’hui par le Premier ministre et par le conseil des ministres

Figure 25. Le grand Sérail : centre-ville de Beyrouth
Figure 25. Le grand Sérail : centre-ville de Beyrouth Source : Joseph SALAMON 2004

A proximité du Grand Sérail, un petit sérail qui fut un hôpital militaire a été également restauré pour accueillir le Conseil de Développement et de reconstruction. ( le CDR)

Ces deux bâtiments représentent un pouvoir politique, mobilisant ainsi leur image historique.

Ensuite, des édifices religieux ont été conservés, représentant ainsi un symbole religieux cosmopolite de la ville de Beyrouth, largement médiatisé par Solidere : la mosquée de l’Emir Mansour Assaf ( bâtie au 18ème siècle), la mosquée Al-Majidiyyah dans le quartier des souks ( bâtie entre 1839 et 1961 ), la cathédrale Saint Georges des maronites ( bâtie en 1890), la cathédrale Saint Elie des grecs catholiques ( bâtie au milieu du 19ème siècle), l’église Saint Louis des capucins ( inaugurée en 1863)…

Ces édifices ont été restaurés pour marquer la dimension cosmopolite du centre-ville comme centre multicultuel, voire multiculturel, contrairement aux autres parties de la ville souvent de la même majorité confessionnelle.

Figure 26. La Mosquée de l’Emir Mansour Assaf : centre-ville de Beyrouth
Figure 26. La Mosquée de l’Emir Mansour Assaf : centre-ville de Beyrouth Source : Joseph SALAMON 2004

Enfin, des vestiges d’un quoi ottoman ont été retrouvés dans la zone des souks. Cette portion témoin de la limite maritime à une certaine époque de Beyrouth sera conservée en bordure de l’espace cinéma multiplex au Nord-Est de la zone des souks.242

Ainsi, et comme l’époque arabe, cette époque semble être relativement absente du centre-ville, sinon présente à travers quelques édifices politiques ou religieux utilisés comme objets symboliques et idéologiques et non pas comme ensembles urbains avec leurs espaces publics.

Les espaces publics datant de cette époque ont été ainsi complètement ravagés: les recherches approfondies menées par May Davie nous livrent quelques éléments de cette époque :

Depuis le début du 19ème siècle, Beyrouth connu une modernisation touchant ses espaces publics en premier lieu. Un programme de réforme fondamental, les Tanzimats, est mis en œuvre : il visait à favoriser les villes et leurs extensions, de moderniser les institutions urbaines et d’assurer l’extension des espaces publics tout en améliorant les voies de communication.243

Ces réforment donnèrent naissance au conseil municipal de Beyrouth en 1863 afin d’assurer la production et la gestion urbaine. Concernant les espaces publics, un projet urbain fut préparé par le nouveau conseil municipal visant à aménager des espaces publics en périphérie de la ville intra-muros. L’apparition de promenades, de jardins et d’une série de places publiques dont la place « As Sour » ( Riad A Soulh), et la naissance d’un centre civique, la place Hamidiyeh en l’honneur du Sultan Abdelhamid2.

‘« Centre civique et directionnel de l’agglomération, elle était l’espace culturel primatial et le principal carrefour routier. Orné d’un jardin central et d’établissements prestigieux, elle était encore l’espace public principal, le lieu d’expression du pouvoir, celui des parades militaires et des manifestations officielles, comme des fêtes et des grands rassemblements populaires ».244

Un espace public urbain, politique et social été ainsi créé dans le cadre des réformes ottomanes : il fut négligé et dégradé avec le Mandat français.

Ces recherches nous montrent l’existence remarquable des espaces publics beyrouthins durant l’époque ottomane, complètement ignorés et rasés dans le projet actuel.

Notes
242.

BORDE A., « aménagement et archéologie ; le cas de Beyrouth », op.cit. p.72.

243.

DAVIE M., « Globalisation et espaces publics du centre-ville de Beyrouth : Une approche historique », Paris, op.cit.1999, p.4.

244.

DAVIE M., « Globalisation et espaces publics du centre-ville de Beyrouth : Une approche historique », Paris, op.cit.1999, p.6.