1- Politique publique d’aménagement d’espaces verts : le plan vert de la municipalité de Beyrouth 

La municipalité de Beyrouth fut créée en 1867 à l’époque ottomane. Elle entreprit vers 1878 un grand projet municipal qui attachait une grande importance à l’hygiène, à l’embellissement et à la circulation afin d’aérer le centre-ville ; ce projet signalait encore la création d’un nouveau centre civique à Sahat Al Borg ( place des Martyrs ) et l’aménagement des espaces publics en périphérie de la ville intra-muros.324

Figure 64. Le jardin municipal de la Place des Canons ( place des Martyrs ) au 19
Figure 64. Le jardin municipal de la Place des Canons ( place des Martyrs ) au 19ème siècle. Source : Collection DAVIE

Durant le Mandat français, la municipalité était presque dirigée par les autorités françaises.

Quant à la structure de la municipalité, elle se caractérise par une particularité interne : en effet, tous les membres de son conseil ne sont pas élus : sur les 24 conseillers municipaux, 8 sont désignés par décret. Les 16 restants étant élus.

D’autre part, le président du Conseil municipal ne dispose pas des pleines prérogatives qui pourraient lui conférer son mandat, le pouvoir exécutif étant en réalité entre les mains du Mohafez ( préfet) de Beyrouth, dépendant directement du ministère de l’intérieur et des affaires municipales et rurales et nommé par le Conseil des ministres.

Elle regroupe outre les départements des finances et du génie et d’urbanisme un département pour les forêts et espaces verts.

La ville de Beyrouth semble s’être lancée, et depuis une dizaine d’année, dans des projets « verts », qui tentent de réanimer ses poumons.

En effet, madame Roula Ajouz, présidente du comité des forêts à la municipalité de Beyrouth et membre de son conseil municipal, s’est engagée durant sa campagne électorale à multiplier les parcs et les jardins de la capitale. Afin de surmonter les handicaps financiers qui freinent l’aménagement d’espaces verts, elle a eu recours aux dons privés d’autant qu’une bonne partie des sommes prévues dans le budget pour l’aménagement des espaces verts de la capitale est toujours bloquée par l’Etat.

Lors de notre entretien avec madame Ajouz, durant l’été 2002, elle a expliqué l’absence d’une politique générale d’aménagement d’espaces publics par les causes suivantes :

Le manque de financement et de budget

Le manque de compétences techniques ( des gens formés pour l’entretien des espaces publics) de gestion des espaces publics.

Le manque d’une structure indépendante qui pourra prendre en charge la maîtrise d’œuvre te d’ouvrage et qui sera loin de toutes charges communautaires.

L’absence d’un vrai plan Directeur pour la ville de Beyrouth qui pourrait favoriser les espaces publics et verts dans la capitale.

L’absence d’une politique de l’Etat envers l’espace public.

Cependant, tous ces handicaps n’ont pas freiné la municipalité de Beyrouth, en particulier son département de forêts et jardins publics afin de trouver les financements nécessaires, ou pour établir des partenariats avec des acteurs publics ou privés, locaux ou internationaux.

Ainsi, pour créer et aménager ses espaces publics, la municipalité agit selon trois niveaux :

Un premier niveau, international, celui de la coopération avec des Institutions ou administrations publiques internationales, notamment françaises, afin d’obtenir leur soutien professionnel, technique et financier.

On peut citer le projet de réhabilitation des Bois des Pins de Beyrouth, le plus grand jardin delà capitale, qui fut aménagé avec la contribution du Conseil Régional d’Ile de France (CRIF) ; en effet, le comité de forêts, présidé par Madame Ajouz, a conclu un accord avec le Conseil Régional d’Ile de France , en collaboration avec l’ambassade de France au Liban afin de réhabiliter le jardin : ce projet sera détaillé plus tard avec les projets en cours. Il est toujours fermé au public bien qu’il soit aménagé presque complètement depuis deux ans, et ceci pour des raisons proclamées techniques et financières en rapport avec sa gestion d’une part, et pour des raisons politiques non proclamées, autre part en relation avec l’entourage du jardin

‘Toujours dans ce niveau international, une politique pour l’aménagement des espaces verts de la capitale été faite par un bureau de paysagisme français ( Interscène), connue par la politique ’ ‘française, financée par le Conseil Régional d’Ile de France et ayant comme objectif de rendre Beyrouth verte en 5 ans.’

‘Mais cette politique semble être mise à l’écart à cause de manque de moyens financiers, bien que quelques parties soient déjà en cours de réalisation.’

‘Toujours dans le niveau international, d’autres types de relation ont eu lieu avec l’Italie par exemple, en particulier avec la municipalité de Rome qui a offert un don à la municipalité de Beyrouth, et qui comporte des équipements pour les jeux d’enfants et pour un jardin public.’

Un deuxième niveau national, celui de la coopération avec des associations ou clubs privés, avec des syndicats ou groupements sociaux, afin de rendre la ville de Beyrouth une ville verte, selon les objectifs du plan dit « le plan français ».

A cet égard, plusieurs projets ponctuels ont été montés entre des associations locales, comme l’association sociale de la région de Horg, présidée par le docteur Mohammad Kheir al Kadi, membre du conseil municipal de Beyrouth et de son comité de forêts.

Outre ces types de relations, nous pouvons noter par exemple la coopération de la municipalité avec le Rotary-club qui a offert des équipements et des services aux jardins publics de la capitale, comme le creusement d’un puits d’eau potable dans le jardin de Sanayeh, par exemple.

Un troisième niveau, public, celui de la coopération avec les administrations et organisations publiques, en particulier avec le CDR afin de trouver les financements nécessaires pour réhabiliter ou aménager les espaces verts de la ville, en premier lieu, et avec la DGU afin d’assurer une meilleure application de la loi tout en favorisant la création d’espaces verts.

A noter que parmi ces coopérations inter-publiques, il y a eu des partenariats qui associaient en même temps les administrations publiques, la municipalité et des administrations ou municipalités étrangères, comme pour la réhabilitation des Bois des Pins qui a mobilisé à la fois le CDR, la municipalité de Beyrouth, la Région Ile de France et l’Institut d’Aménagement et d’Urbanisme de la Région Ile de France.

Un quatrième niveau, cette fois-ci micro, avec les gens et les habitants de la ville ; en effet, le comité des forêts travaille beaucoup sur cet aspect afin de créer des liens au niveau micro tout en travaillant aussi par petits projets.

Plusieurs dons et propositions ont été faites par les habitants, afin d’aménager un petit espace vert de proximité ce qui montre, selon madame Ajouz, l’enthousiasme et la motivation des gens de rendre leur ville plus verte et plus belle.

En résumé, bien que les niveaux de coopération de la municipalité soient assez diversifiés, il leur manque toujours de moyens financiers, techniques et humains :

En dehors la politique « française » verte, aucune politique n’a été établie pour favoriser l’aménagement des espaces publics : si ce n’est des projets d’aménagement et de réhabilitation de jardins publics : d’ailleurs le concept d’espace public semble être toujours confondu avec celui d’espace vert, ou à la limite de jardin public, mais jamais pris comme un concept qui englobe toute une série d’espaces et de pratiques, et qui nécessite une politique à part.

Après avoir tracé les quatre niveaux d’intervention de la municipalité, nous passons à l’étude et à l’analyse du plan vert, connu par la « politique française », et qui semble être la référence de toute intervention sur l’espace public ou vert.

Notes
324.

DAVIE M., « Beyrouth 1825-1975, un siècle et demi d’urbanisme », 2001,op.cit., p.53.